Managers, laissez vos collaborateurs papoter au bureau !

Rédigé le 07/11/2025

Alors que certaines entreprises réduisent les jours de télétravail, le retour au bureau questionne. Pour qu’il ait du sens, encore faut-il que les salariés y trouvent un intérêt. Et si les échanges informels entre collègues, souvent négligés, étaient justement l’une des clés du bien-être et de la performance ?

Le travail tisse les liens…

Cela sonne comme une évidence, mais c’est bien autour du travail effectué collectivement que se jouent les principales interactions. Après quelques années de pratique massive du télétravail, les recherches et le terrain soulèvent de possibles problèmes de performance liés à la distance et à l’asynchronie. La résolution de problèmes, le soutien social, la circulation de l’information ou l’idéation peuvent ainsi en pâtir, même si la recherche reste très ambivalente sur ces aspects : on peut aussi être créatif à distance.

A la suite de Christophe Déjours, psychanalyste et directeur de l’Institut de Psychodynamique du travail, on peut admettre que le travail vivant, celui sur lequel on a une capacité d’agir, l’est tout de même davantage quand on se ‘‘renifle’’ mutuellement. Mais au-delà de l’injonction à venir au bureau pour ‘‘faire du collectif’’, il y a aussi un intérêt individuel à s’y rendre : échanger, apprendre, être soutenu, performer, et d’abord pour soi.

Et les commérages aussi

Les commérages sur les lieux de travail ont plusieurs fonctions. Non seulement ils constituent de bénéfiques temps de circulation d’informations informelles, mais ils tissent des liens qui participent ainsi à structurer les groupes. Une étude indique qu’ils permettent de lutter contre la solitude et seraient favorables à la rétention des salariés qui entretiennent de riches relations interpersonnelles.

Une autre recherche a montré que les espaces liminaux des entreprises (hall, couloirs, toilettes, reprographie…) n’étaient d’ailleurs pas des m2 ‘‘perdus’’ car des échanges, y compris des commérages, s’y déroulent fréquemment. Lorsqu’ils ne portent pas préjudice à quelqu’un, ces échanges sont donc profitables aux individus, aux groupes et aux organisations. Bien entendu, des espaces conçus pour des échanges informels comme une tisanerie agréable faciliteront les interactions.

L’amitié au travail sécurise les salariés

L’amitié au travail nait le plus souvent de bavardages réguliers entre collègues, plutôt formels dans un premier temps puis de plus en plus informels au fil du temps. On bavarde progressivement à propos de choses qui s’éloignent du travail et on se ‘‘raconte un peu sa vie’’.

L’amitié au travail semble sécuriser les salariés en impactant leur bien-être et leur satisfaction. Une étude a même démontré un moindre turn over notamment chez les moins de 30 ans lorsque des liens d’amitié existent dans l’organisation. Il y a donc tout intérêt à stimuler et entretenir de riches relations humaines car les liens d’amitié, plus ou moins forts, s’accompagnent de solidarités et de soutiens tout à fait bénéfiques.

Papoter au boulot : bon pour vous et pour l’entreprise

Le travail hybride a sans doute renforcé la prise de conscience que la présence sur le lieu de travail ne peut pas se limiter à l’effectuation des tâches. Un bon climat, une bonne ambiance font clairement partie du bien-être au travail.

Un récent ouvrage rappelle que ‘‘parmi l’ensemble des causes du bien-être au travail, le fait de vivre des émotions positives au travail est parmi les effets les plus renforçateurs sur la satisfaction personnelle’’. Une étude a d’ailleurs montré que les ‘‘small talks’’, en tant que rituels sociaux et même s’ils peuvent perturber cognitivement dans les tâches à accomplir, peuvent être des leviers vers des comportements de citoyenneté organisationnelle, autrement dit de forts niveaux d’engagement.

Si le travail sur site ne se limite pas non plus à des interactions toute la journée, celles-ci lui confèrent une valeur ajoutée sans doute renforcée dans un contexte de travail hybride. Les temps où l’on papote avec les collègues ne sont donc pas tout à fait improductifs, loin de là. Ils contribuent à l’échelle individuelle au bien-être au travail, notamment par l’expression des émotions devenues ‘‘un objet de gestion après avoir longtemps été ignorées’’ ; au niveau collectif ils structurent les groupes autour du travail ; au niveau organisationnel ils construisent une culture et un sens commun.

Un temps qui n’est pas perdu, mais investi

Bien entendu, cela implique un management permissif voire incitatif qui voit dans ces interactions non pas du temps perdu mais du temps investi pour structurer et solidifier l’organisation. On ne peut en effet pas déplorer les maux tels que le désengagement, la perte de motivation ou de sens tout en voyant d’un mauvais œil le fait que les gens se parlent. De plus, il semble difficile de demander de revenir au bureau sans que le salarié y trouve un intérêt personnel, qui peut en partie être satisfait par de profitables bavardages. Alors papotons au boulot, c’est bon pour tout le monde !

Source Courrier Cadres