Dans son ouvrage "Manager. Les 20 personnalités difficiles", David Eyraud dresse les profils de collaborateurs qui peuvent poser problème au sein d'une équipe. Si elles sont bien gérées, les tensions peuvent être rapidement désamorcées, tandis que les travers de certains, eux, peuvent être transformés en opportunités.
L’humain est à la fois l’aspect le plus passionnant et le plus délicat dans la pratique managériale. Surtout lorsqu’on sait que « tout le monde est la personnalité difficile de quelqu’un, a constaté David Eyraud, manager pendant plus de 25 ans dans le secteur industriel et auteur du livre Manager. Les 20 personnalités difficiles. Comprendre et désamorcer les tensions avec la méthode PACTE (Gereso). Dans mon cas, les personnalités qui me posaient problème étaient quasiment toujours les mêmes. Si je ne cernais pas bien la personnalité du collaborateur et que je m’y prenais mal, je ne faisais qu’amplifier le problème. » C’est la raison pour laquelle le manager a tout intérêt à bien se connaître et à connaître les types de profils avec lesquels il peut être amené à collaborer : « Le manager doit se connaître pour savoir avec quelles personnes il est compatible ou non, quelles sont ses réactions en situation de stress intense, quel est son mode de management inné, et comment il va pouvoir l’adapter en fonction des contextes et des personnes. »
1. La forte tête
Ses caractéristiques : Cette personnalité est sûre d’elle. Elle impose ses opinions, défie l’autorité ou les consignes qu’elle trouve injustifiées. La forte tête est une personnalité marquée par une détermination inébranlable et une volonté forte de contrôler son environnement. Elle se distingue par sa résistance active aux idées ou aux changements qu’elle perçoit comme menaçants pour son autonomie ou son autorité. Cette personnalité valorise l’indépendance et peut parfois paraître inflexible dans ses positions. Sa tendance à rejeter activement les suggestions peut créer des tensions au sein de l’équipe, mais elle apporte également une vision claire et défend ses convictions avec passion.
Le piège dans lequel ne pas tomber : Tenter de « mater » la forte tête en l’ignorant ou en l’humiliant risque d’amplifier sa révolte.
Mode managérial adapté : Pour gérer efficacement ce profil, le manager peut reconnaître publiquement son expertise et ses contributions, ou encore valoriser ses idées en les intégrant dans certaines décisions. Il peut adopter une communication claire et directe en évitant les ambiguïtés. Il peut fournir des explications détaillées sur les changements et les décisions en soulignant les bénéfices. Le manager peut l’impliquer dans le processus décisionnel pour lui donner un sentiment de contrôle et solliciter régulièrement son avis sur les projets en cours. Enfin, le manager peut l’encourager à adopter une flexibilité comportementale et à envisager différentes perspectives.
Style : Directif et explicatif.
2. Le râleur
Ses caractéristiques : Cette personnalité se plaint en permanence, souligne les défauts ou les risques de chaque situation ou personne. Elle appréhende le monde de manière négative, voire défaitiste. Le râleur est une personnalité marquée par une tendance à exprimer activement son mécontentement et sa frustration. Contrairement à d’autres personnalités qui le font de manière passive, le râleur utilise des critiques fréquentes et un ton pessimiste pour manifester son désaccord ou son insatisfaction. Cette attitude peut parfois démoraliser l’équipe et créer un environnement de travail tendu. Cependant, derrière ce comportement se cachent souvent des besoins profonds non satisfaits.
Le piège dans lequel ne pas tomber : Penser qu’il suffit de le « forcer » à être positif peut le braquer davantage.
Mode managérial adapté : Pour gérer efficacement ce profil, le manager peut prendre le temps d’écouter ses préoccupations sans jugement et valider ses sentiments en reconnaissant son point de vue (même en cas de désaccord). Le manager peut fournir, là encore, des explications claires et détaillées sur les décisions ou les changements au sein de l’entreprise. Il peut les partager de manière proactive dans le but de réduire les doutes et les incertitudes qui peuvent alimenter la négativité. Le manager, enfin, peut encourager le râleur à proposer des solutions plutôt qu’à se contenter de critiquer. Il s’agira à ce moment-là de valoriser ses idées constructives et ses initiatives positives.
Style : Explicatif et participatif.
3. Le colérique
Ses caractéristiques : Cette personnalité a des montées de colère fréquentes. Elle peut se retrouver à crier devant les autres. Ce qui entraîne inévitablement des conflits ouverts. Il suscite la crainte ou l’exaspération. Le colérique est une personnalité marquée par une réaction émotionnelle intense face aux injustices perçues ou aux situations qu’il juge inéquitables. Cette personnalité exprime activement sa frustration de manière explosive et incontrôlée. Le colérique cherche à corriger les déséquilibres et à rétablir ce qu’il considère comme juste. Derrière cette façade de force et de détermination, se cachent souvent une profonde sensibilité aux injustices et un besoin de reconnaissance et de respect.
Le piège dans lequel ne pas tomber : Le laisser faire par peur du conflit ou de ses réactions.
Mode managérial adapté : Pour gérer efficacement ce profil, le manager peut valoriser ses efforts afin d’identifier et corriger les injustices vécues ou ressenties au sein de l’équipe. Il peut montrer du respect pour ses opinions et ses contributions, même lorsqu’elles diffèrent de celles des autres. Il peut adopter une communication claire et directe, en évitant les ambiguïtés qui pourraient être perçues comme injustes. Il peut fournir des explications détaillées sur les décisions et les changements, en soulignant leur équité. Enfin, le manager peut encourager le colérique à adopter une perspective empathique envers ses collègues afin de mieux comprendre leurs points de vue.
Style : Directif et explicatif.
4. Le manipulateur
Ses caractéristiques : Cette personnalité use de tactiques indirectes (mensonge, flatterie, culpabilisation) pour arriver à ses fins, évitant toujours la confrontation directe. Le manipulateur est une personnalité caractérisée par une tendance à influencer et à contrôler les autres pour atteindre ses propres objectifs. Cette personnalité exprime activement son besoin de pouvoir et de domination au sein de l’équipe, en orientant les décisions et les comportements de ses collègues. Le manipulateur peut sembler charmant et charismatique en surface, mais ses intentions sont souvent centrées sur son propre intérêt, au détriment des autres. Il cherche à imposer sa volonté sans tenir compte des opinions ou des besoins des autres.
Le piège dans lequel ne pas tomber : Croire en ses flatteries, promesses ou mensonges successifs.
Mode managérial adapté : Le manager peut définir des règles de conduite et des attentes précises concernant la collaboration et la prise de décision. Il doit ensuite appliquer lui-même ces règles de manière cohérente afin d’éviter toutes exploitations de faille. Il peut adopter une communication claire et honnête en évitant les ambiguïtés. Il peut partager les informations pertinentes de manière ouverte pour réduire les opportunités de manipulation. Il peut encourager la participation de tous les membres de l’équipe dans les processus décisionnels. Le manager peut valoriser les contributions de chacun pour diminuer le besoin de domination du manipulateur. Enfin, le manager peut encourager des comportements plus transparents et honnêtes en mettant en place des feedbacks réguliers et constructifs.
Style : Directif et explicatif.
5. L’anxieux
Ses caractéristiques : Cette personnalité est toujours en proie au doute, à la peur de l’échec et réclame une validation constante. Il peut être très stressé par l’inconnu ou la nouveauté. L’anxieux est une personnalité caractérisée par une tendance à se dévaloriser et à douter constamment de ses capacités. Cette personnalité exprime passivement son mal-être à travers des comportements d’autocritique et de retrait, évitant souvent de prendre des initiatives par peur du rejet. Contrairement au colérique qui manifeste ouvertement sa frustration, l’anxieux préfère internaliser ses sentiments. Ce qui peut mener à une baisse de performance et à un isolement au sein de l’équipe. Derrière cette façade de calme apparent se cachent des insécurités profondes et un besoin constant de validation et de soutien.
Le piège dans lequel ne pas tomber : Imposer un recadrage dur peut accentuer son angoisse et son repli.
Mode managérial adapté : Pour gérer efficacement ce profil, le manager peut créer un environnement de confiance où l’anxieux se sentira à l’aise pour exprimer ses préoccupations et ses besoins sans crainte de jugement. Il peut utiliser des questions ouvertes pour inciter l’anxieux à partager ses pensées et ses sentiments de manière claire et honnête. Il peut mettre en place des réunions individuelles et régulières pour discuter de ses progrès et de ses défis à venir. Le manager peut lui donner accès à un coaching pour renforcer sa confiance en lui et en ses compétences professionnelles. Il peut définir des objectifs précis et des responsabilités clairement articulées, tout en apportant les ressources et le soutien dont il a besoin. L’anxieux peut travailler sur sa capacité à prendre des décisions afin de renforcer son autonomie. Enfin, le manager peut valoriser ses efforts et ses réalisations de manière authentique et régulière. Cette mise en lumière de ses points forts peut s’accompagner d’axes d’amélioration.
Style : Explicatif et participatif.
6. Le réservé
Ses caractéristiques : Cette personnalité est discrète, parle peu, fuit les échanges collectifs. Le réservé préfère travailler en solitaire et peut sembler froid ou distant.
Le piège dans lequel ne pas tomber : Interpréter ses comportements comme un manque de motivation ou de sociabilité.
Mode managérial adapté : Pour gérer efficacement ce profil, le manager peut encourager l’expression sans imposer la parole de façon trop brusque. Le réservé a besoin d’un environnement calme, de temps et de se retrouver en petit comité pour s’exprimer librement. Ce style permet d’impliquer le collaborateur en douceur dans le processus décisionnel. Le manager peut l’écouter activement afin qu’il se sente valorisé. Le manager peut également communiquer clairement et de manière détaillée avec une approche empathique. En expliquant soigneusement les raisons derrière chaque décision et en fournissant un contexte rassurant, le manager lui permet de comprendre les enjeux de l’entreprise, de s’approprier ses missions, et l’encourage à sortir de la timidité voire de l’ombre.
Style : Participatif et explicatif.
7. Le flemmard
Ses caractéristiques : Cette personnalité fait le minimum syndical. Le flemmard procrastine, manque de volonté et d’initiatives. Lui aussi peut être perçu comme démotivé, voire comme profiteur. Cette personnalité exprime son sentiment de privation ou de manque de manière subtile, souvent en évitant de s’engager pleinement dans ses responsabilités ou en négligeant certaines tâches. Contrairement à d’autres personnalités qui peuvent exprimer ouvertement leurs frustrations, le flemmard adopte une approche indirecte, généralement marquée par la réduction de ses efforts au minimum. Derrière cette apparente indifférence se cachent souvent des sentiments de frustration ou de déception liés à des besoins non comblés.
Le piège dans lequel ne pas tomber : Lui confier moins de travail pour « compenser » son manque d’implication. Ce qui renforce le déséquilibre au sein de l’équipe.
Mode managérial adapté : Pour gérer efficacement ce profil, le manager peut créer un environnement de confiance où il se sent libre d’exprimer ses ressentis sans crainte de jugement. Le manager peut aussi lui poser calmement des questions ouvertes pour l’inciter à partager de manière sincère ses difficultés et ses besoins. Le manager comprendra peut-être mieux les raisons de sa procrastination ou de son retrait. Il peut l’inviter à présenter ses réussites ou ses compétences devant l’équipe pour renforcer son sentiment d’utilité et/ou de prendre conscience de l’impact positif de ses contributions. Le manager peut l’associer à la définition d’objectifs pour renforcer son autonomie. Ces objectifs peuvent être tournés vers ses centres d’intérêt afin de stimuler son engagement et son sentiment d’accomplissement. Enfin, le manager peut organiser des activités de cohésion pour renforcer la confiance mutuelle et le sentiment d’appartenance. Cela permettra de cultiver un état d’esprit d’équipe basée sur la solidarité.
8. L’arrogant
Ses caractéristiques : L’arrogant est une personnalité marquée par une confiance excessive en ses propres capacités et a tendance à dévaloriser les contributions des autres. Cette personnalité exprime activement son besoin de supériorité et peut sembler condescendante envers ses collègues. L’arrogant cherche constamment à affirmer son autorité et à imposer ses idées. Derrière cette façade, se cachent souvent des insécurités et un besoin profond de reconnaissance et de validation.
Le piège dans lequel ne pas tomber : Le féliciter uniquement pour ses victoires « personnelles ».
Mode managérial adapté : Pour gérer efficacement ce profil, le manager peut valoriser ses idées tout en reconnaissant la pertinence des idées des autres membres de l’équipe. Il peut reconnaître publiquement ses contributions et ses réussites de manière authentique. Il peut adopter une communication claire et directe pour éviter toutes ambiguïtés. Il peut utiliser un langage respectueux et professionnel pour éviter les confrontations inutiles. Le manager peut mettre en place des règles de prise de parole lors des réunions afin d’assurer une répartition équitable de la parole. L’arrogant doit travailler sur son empathie afin de mieux comprendre les sentiments et les besoins des autres. Enfin, le manager peut établir des limites claires concernant les comportements acceptables et les appliquer de manière exemplaire.
Style : Directif et explicatif.
9. Le perfectionniste
Ses caractéristiques : Cette personnalité veut tout contrôler à la perfection, passe un temps excessif sur les détails, génère du stress et des retards au sein de l’équipe. Le perfectionniste est une personnalité caractérisée par un désir intense de précision et de qualité dans toutes ses tâches. Cette personnalité exprime passivement son mécontentement lorsqu’elle perçoit des injustices ou des défauts dans les processus ou les résultats. Contrairement au colérique qui réagit de manière explosive, le perfectionniste utilise des méthodes plus subtiles pour signaler son insatisfaction, comme la critique constante ou la révision incessante de travaux.
Le piège dans lequel ne pas tomber : Le laisser faire sans contrainte de temps, de budget ou de ressources humaines au risque de perdre de l’agilité et de l’efficacité dans les projets.
Mode managérial adapté : Pour gérer efficacement ce profil, le manager peut valoriser ses efforts et son attention aux détails lors des réunions d’équipe. Offrir des feedbacks positifs spécifiques sur la qualité de son travail. Mais également définir des objectifs précis et des délais réalistes pour éviter la confusion et le stress. Le manager peut clarifier les priorités pour aider le perfectionniste à se concentrer sur les aspects les plus importants du travail. Le perfectionniste peut travailler sur son adaptabilité aux changements et sa gestion du temps. Le manager, enfin, peut donner des responsabilités au perfectionniste afin de lui permettre de contrôler son travail tout en collaborant avec les autres.
Style : Explicatif et participatif.
10. L’indifférent
Ses caractéristiques : Cette personnalité détachée montre peu ou pas d’intérêt pour les missions ou les besoins des autres. Il reste distant, non impliqué voire insensible dans les interactions sociales au travail. L’indifférent préfère souvent travailler de manière autonome, évitant les échanges émotionnels et les collaborations étroites. Ce comportement peut créer une barrière émotionnelle avec ses collègues et nuire à la cohésion de l’équipe.
Le piège dans lequel ne pas tomber : Tenter de « forcer » l’engagement émotionnel de l’indifférent peut le braquer encore davantage par esprit de contradiction.
Mode managérial adapté : Pour gérer efficacement ce profil, le manager peut prendre le temps de le connaître plus personnellement afin de briser la barrière émotionnelle. Le manager peut introduire progressivement des projets nécessitant une collaboration en commençant par de petites tâches. Il peut solliciter son avis lors des réunions pour favoriser son implication. Il peut reconnaître et valoriser ses compétences de manière objective et professionnelle. Le manager peut aborder les problèmes de manière factuelle et respectueuse sans insister sur les aspects émotionnels. Enfin, le manager peut organiser des activités qui favorisent les échanges, le partage d’expériences, et la compréhension mutuelle afin de réduire la distance émotionnelle avec l’équipe.
Style : Explicatif et participatif.
Pour conclure, David Eyraud précise que si le manager n’arrive pas ou plus à dialoguer avec l’une de ces personnalités, il peut « trouver une personne relais. » A noter, selon l’auteur, qu’une personnalité toxique, aussi bien du côté du manager que du collaborateur, est celle qui dépasse les trois caractéristiques.
Découvrez l’intégralité du livre « Manager les 20 personnalités difficiles. Comprendre et désamorcer les tensions avec la méthode PACTE » de David Eyraud, publié en août 2025 aux Editions Gereso.
Source Courrier Cadres