Emploi : les seniors «sont une richesse si on leur donne les moyens de contribuer pleinement»

Rédigé le 20/05/2025

Pour Didier Cauchois, expert dialogue social chez le cabinet de conseil en ressources humaines LHH, les seniors sont une vraie ressource pour les entreprises. Se passer de leurs profils uniques constitue une grave erreur, pour de multiples raisons.

Le déséquilibre démographique à venir ne laisse guère le choix. Avec le vieillissement de la population, des tensions sur l’emploi apparaissent inexorablement dans de nouveaux secteurs, indépendamment même de l’évolution du taux de chômage. Face à ce défi, sans doute l’un des plus importants pour notre économie dans les années à venir, les salariés «seniors» constituent une immense opportunité pour l’emploi de demain. Pourtant, lorsqu’il est question des seniors dans le débat public, le ton devient vite tendu, conflictuel. L’enjeu de leur emploi est souvent traité à travers le prisme des retraites, du vieillissement de la population, ou encore du coût social et économique qu’ils représenteraient.

Loin des clichés sur les seniors «trop chers» ou «dépassés», la réalité est plus nuancée, et bien plus prometteuse. Les entreprises qui agissent le savent : ces salariés expérimentés sont une richesse lorsqu’on leur donne les moyens de contribuer pleinement. C’est au cœur même des entreprises que se joue dès aujourd’hui le devenir de la force de travail que représentent les salariés de 55 ans et plus. Les salariés les plus expérimentés constituent déjà un atout indéniable pour la croissance et la compétitivité. Compte tenu de l’évolution du marché du travail, ils en seront demain des leviers indispensables. Même s’ils craignent de ne pas pouvoir tenir jusqu’à l’âge de départ et d’être licenciés pour inaptitude. Cela peut être très anxiogène. D’où une multiplication des arrêts maladie.

Un enjeu de survie économique et de préservation des compétences

A leur défense, les arguments objectifs pour garder les salariés seniors dans les équipes ne manquent pas. Nombre de dirigeants louent ainsi les qualités des 55-64 ans sur des points élémentaires comme la ponctualité, la conscience professionnelle et l’engagement. Et qui d’autre qu’un salarié resté de longues années dans une même entreprise peut mieux jouer le rôle d’ambassadeur de ses valeurs et de sa culture ? Sans parler de l’expérience, moteur indispensable s’il en est d’une croissance pérenne. Des poncifs ? Combien d’entreprises ont rappelé des collaborateurs proches de l’âge de la retraite pour assurer la continuité, voire la transmission de ce précieux bagage auprès des plus jeunes ? Résultat : nombreuses sont celles qui ont désormais pleinement conscience de l’intérêt de constituer des équipes multigénérationnelles dans lesquelles peuvent se concilier le savoir-faire et le faire-savoir.

Sur le terrain, les acteurs du dialogue social privilégient désormais un pragmatisme motivé autant par la survie économique que la préservation des compétences. L’un n’allant de toute façon généralement pas sans l’autre. Les négociations visent alors à trouver des compromis pour adapter l’organisation du travail aux contraintes liées à l’âge et à la pénibilité. Prenons l’exemple de cette entreprise artisanale spécialisée dans la restauration du patrimoine, employant tailleurs de pierre ou ferronniers, métiers physiquement exigeants. L’entreprise s’est posé une question simple : comment permettre à ses salariés expérimentés de rester en emploi, dans de bonnes conditions, jusqu’à la retraite ? En adaptant les outils existants – comme le compte professionnel de prévention ou le dispositif de retraite progressive –, un aménagement du temps de travail a été négocié. L’accord a permis une transition douce vers la retraite, sans précarisation ni perte de compétences pour l’entreprise.

L’heure n’est évidemment pas à l’angélisme : d’un côté, il s’agit pour les salariés seniors d’affronter la difficulté pour certains métiers, du fait de leur «dureté», d’atteindre l’âge de taux plein ; et de l’autre, d’inclure pour les entreprises l’objectif nécessaire de réduction des coûts fixes, pour maintenir une capacité d’investissement et rester compétitif. Mais, compte tenu de l’évolution démographique de notre pays, les uns et les autres peuvent trouver un terrain d’entente. Pour le bien commun : celui des finances publiques comme des entreprises et de leurs salariés.

Source Capital