"Les phrases sont ponctuées de 50 'euh'...": les messages vocaux débarquent au bureau, certains n'en peuvent plus, d'autres adorent

Rédigé le 27/05/2025

Entre le SMS et l'appel, le message vocal fait son chemin jusqu'au bureau. Ce qui était inimaginable il y a encore quelques années, devient la norme dans certaines entreprises. Pour le meilleur et pour le pire.

Après avoir envahi les conversations privées, ils débarquent au bureau. Les messages vocaux sont de plus en plus utilisés dans un cadre professionnel, par les plus jeunes générations, mais pas seulement.

"J'en reçois toutes les semaines, je trouve ça vraiment pratique car souvent je n'ai pas le temps de répondre au téléphone", témoigne Marie Hombrouck, directrice d'un cabinet de recrutement et chasseuse de tête.

"Je dis à mes clients de m'appeler pour débriefer après leur entretien, si je ne réponds pas, ils n'utilisent pas le répondeur mais me font spontanément une note vocale sur Whatsapp", raconte-t-elle.

"Pour moi, c’est vraiment entré dans les moeurs. Avec un sms, il y a le risque de mal se comprendre, avec un message vocal on peut mettre du ton, de l'intention."

"Je pense que ça répond à une fonction"

"Chez nous, les salariés utilisent les notes vocales au quotidien", abonde Geoffrey Fournier, DRH chez Snow Group, une entreprise de construction de spas. Et s'il n'existe pas de chiffres sur l'émergence de ce type de communication en entreprise, il note que "de plus en plus d'applications proposent cette fonctionnalité, y compris notre logiciel de communication interne".

Le message vocal permet de donner des explications, parfois à tout un groupe, sans pour autant interrompre son interlocuteur avec un appel. On l'écoute quand on a le temps.

Même dans la fonction publique, où les agents ne sont pas autorisés à utiliser Whatsapp, certains dérogent à la règle. Elodie* se souvient d'un tableau Excel très complexe: "On n'avait pas le temps de se fixer un créneau car la tâche était urgente, mon collègue m'a fait un vocal pour une question spécifique sur la manière de remplir le tableau", raconte-t-elle.

"Je pense que ça répond à une fonction: dans les cas où on a besoin d'une explication orale mais qui ne nécessite pas un échange, ça peut être vraiment utile."

Quand cet ami qui nous fait perdre du temps devient un collègue

Mais elle voit aussi les limites de ce mode communication. "On retrouve les travers des notes vocales envoyées par des amis, certains galèrent à s'exprimer, les phrases sont ponctuées de 50 'euh'...", s'agace cette agente de l'administration publique.

"Si la personne avait pris cinq minutes pour structurer un mail, elle aurait pu formuler sa demande de manière concise et claire", estime Elodie.

"Parfois, je trouve que c'est un transfert de charge mentale sur son interlocuteur."

D'où l'intérêt d'utiliser cette fonctionnalité avec parcimonie. "ll ne faut pas oublier qu'on risque de faire perdre du temps à notre interlocuteur. Si vous avez des échanges de 10 messages vocaux, au bout d'un moment il faut juste se parler, sinon cela crée de l'inertie", recommande Geoffrey Fournier.

Une lettre de motivation remplacée par une note vocale

Il déconseille également aux candidats d'envoyer des messages vocaux lors d'une candidature ou en amont d'un entretien d'embauche. Sauf quand le processus de recrutement est fait pour ce type de communication...

Vincent Azouani a créé l'application de recherche d'emploi Wapply. Elle a été conçue pour laisser plus de la place à la voix qu'à l'écrit. Sur leur profil, les candidats et les entreprises ont la possibilité d'ajouter une courte présentation audio. Les lettres de motivations ont également été remplacées dans une note vocale d'une minute 30.

"C'est plus humain qu'une simple lettre, on entend la voix, l'énergie!"

C'est en discutant avec des agents de sécurité que l'idée lui est venue: "Ils m'ont expliqué qu'ils étaient plus à l'aise à l'oral, car ils avaient peur de faire des fautes d'orthographe à l'écrit", se souvient-il.

"Ceux qui s'en emparent le plus sont les plus jeunes ou les candidats qui n'ont pas beaucoup de diplômes ou qui sont d'origine étrangère, ils ont peur de faire des erreurs ou ne savent pas bien écrire", explique Vincent Azouani.

Lui-même se reconnait dans cette peur de mal faire. "Je suis dyslexique alors j'ai vraiment du mal avec l'écrit, sauf qu'en tant que chef d'entreprise, c'est compliqué", raconte-t-il.

Alors même au sein de sa petite société, il a commencé à communiquer par messages vocaux avec ses équipes. Et tout le monde s'y est mis. "Je suis plus concret quand je m'exprime à l'oral, ça me permet de mieux communiquer malgré mon handicap invisible", conclut-il.

* Le prénom a été modifié

Source BFM Business - Marine Cardot