Alors que le nombre de recrutements de cadres a diminué en 2024, l’Apec estime que cette tendance devrait se poursuivre en 2025. Avec tout de même certaines évolutions.
Alors que le nombre de recrutements de cadres a diminué de 8% en 2024, 2025 devrait suivre la même tendance, mais de façon atténuée, prédit l’Association pour l’emploi des cadres (Apec) dans sa dernière étude consacrée à l’emploi cadre. Les embauches devraient ainsi baisser de 4%, une baisse moindre qu’en 2024, mais qui les feraient passer sous le seuil symbolique des 300 000, avec 292 000 embauches prévues.
C’est notamment lié à « l’incertitude, au climat des affaires dégradé, à l’instabilité géopolitique majeure, à un moindre investissement des entreprises qui devrait se poursuivre selon la Banque de France, mais de façon moins marquée », décrypte Gilles Gateau, le directeur de l’Apec, lors d’une conférence de presse. Et encore, l’enquête ayant été réalisée entre novembre et janvier, elle n’intègre pas les premières décisions de la seconde présidence de Donald Trump aux Etats-Unis, qui devraient avoir des répercussions sur l’économie mondiale, et donc sur l’emploi des cadres. Le directeur de l’Apec voit donc se poursuivre « l’attentisme des entreprises en matière de recrutement, car elles ont perdu confiance, et ont peu de visibilité sur leurs carnets de commandes, petites comme grandes entreprises ».
La tendance à de moindres embauches devrait s’observer dans tous les secteurs. Parmi les plus touchés, le commerce (-5%), dépendant de la consommation des ménages, et la construction (-7%). Inversement, les services à forte valeur ajoutée seraient un peu moins en difficulté que l’an dernier, avec une baisse de 3%, contre 10% l’an dernier. Mais il devrait continuer de souffrir de la contraction de l’investissement.
L’informatique, la recherche et développement et les ventes – marketing devraient en 2025 totaliser à eux trois 54% des recrutements de cadres, avec respectivement 56 000, 53 000 et 50 000 embauches. Les deux premiers peuvent espérer un recul limité des embauches, avec respectivement -2% et -1%. « Les cadres informatiques restent recherchés par les entreprises, assure Hélène Gartner, la directrice des données et études de l’Apec. Mais c’est la première fois depuis 2009 qu’il y a une telle contraction. Il se passe tout de même quelque chose. Même si l’intelligence artificielle, le cloud et la cybersécurité laissent penser que le secteur devrait rester moteur ».
Toutes les régions devraient également être concernées, comme en 2024, mais les régions moins touchées l’an dernier devraient être plus affectées cette année, quand ce serait l’inverse pour les régions plus touchées. Ainsi, les Hauts-De-France, l’Occitanie, la Provence-Alpes-Côte-d’Azur, la Nouvelle-Aquitaine devraient un peu moins souffrir qu’en 2024. Inversement, le Grand-Est, relativement épargné en 2024, devrait être plus en difficulté en 2025.
Moins d’opportunités pour les jeunes diplômés
Par ailleurs, « la diminution des opportunités pour les cadres débutants se poursuit, mais est un peu moins marquée, avec -16% [contre -19% en 2024]. Cela vient d’une mauvaise orientation des secteurs où s’insèrent les jeunes cadres, notamment les secteurs à forte valeur ajoutée, qui sont un vivier pour les jeunes diplômés. Et dans un marché qui se contracte, les jeunes sont plus exposés », analyse Hélène Gartner.
300 000 jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail avec un diplôme d’un niveau au minimum bac +3, quand seuls 41 000 cadres débutants devraient être embauchés en 2025, un chiffre sous le seuil symbolique des 50 000, comme en 2024, rappelle Gilles Gateau. « Une grande partie de ces jeunes diplômés trouve donc une insertion dans un emploi non-cadre, et obtient ensuite ce statut par mobilité ou par l’expérience. La probabilité de ne pas trouver d’emploi cadre correspondant à leur formation est plus forte, ce qui peut engendrer de la frustration ». Par ailleurs, Hélène Gartner rappelle que cela a aussi un effet sur la carrière et les salaires, qui ne regagnent jamais les niveaux des jeunes diplômés embauchés directement comme cadres. Certes, rappelle-t-elle, la tendance à la hausse du niveau de diplôme ces dernières années est parallèle à la hausse de la part de cadres dans la population active, supérieure depuis 2019 à la part d’ouvriers dans la population, rappelle la responsable des études. Néanmoins, « on sait que les besoins à l’horizon 2030 ne seront pas forcément des profils très diplômés, ce qui signifie une potentielle frustration ».
Autre changement à prévoir dans les mois à venir : un « risque de retournement du rapport de force au bénéfice de l’entreprise, alors que depuis cinq ans les salariés étaient vraiment en position de force ». Pourtant, les envies de mobilité des cadres restent à peu près intactes. Résultat : pour les entreprises « le premier frein à l’embauche devient l’incertitude économique, et non plus le manque de compétences », explique Hélène Gartner.
Les entreprises sont donc moins prêtes à faire des concessions sur le recrutement. Elles sont notamment moins disposées à augmenter le salaire, à recruter un cadre qui n’aurait pas le diplôme demandé ou à embaucher des seniors. Cette dernière tendance inquiète l’Apec, assure Gilles Gateau, « au moment où il y a besoin d’un changement de regard et de pratique sur l’emploi des seniors. Le risque est que ce changement ne se réalise pas, ou pas aussi vite que nous le voudrions ».
Et des cadres seniors également en difficulté
Néanmoins, légèrement plus de cadres seniors se disent sereins concernant leurs dernières années professionnelles en mars 2025 qu’en septembre 2022 (63% contre 60%). Et un peu plus souhaitent travailler aussi longtemps que possible, considérant le travail comme une source d’épanouissement (36% contre 29% en février 2023). Néanmoins, cela signifie que la majorité souhaite toujours prendre sa retraite dès que cela sera possible.
Le directeur de l’Apec observe aussi que « quelque chose commence à se passer » du côté des entreprise, car 41% des grandes entreprises et entreprises de taille intermédiaire affirment avoir fait évoluer leur politique de ressources humaines vis-à-vis des seniors ou au moins lancé ce projet contre 19% des petites et moyennes entreprises et 10% des très petites entreprises. De leur côté, seuls 15% des cadres seniors ont l’impression d’une évolution. « Le verre est loin d’être plein », commente Gilles Gateau.
Dans les entreprises qui ont mis en place au moins une action en faveur de l’emploi des seniors, les actions les plus fréquentes concernent la santé des seniors, les aménagements du temps de travail, la transmission des savoirs et la préparation au départ à la retraite. Inversement, peu d’actions sont menées en faveur d’une vraie politique d’embauche des seniors, des plans de formations ou des entretiens professionnels spécifiques.
Par conséquent, en cas de perte d’emploi, les cadres seniors sont « très lucides sur les difficultés qu’ils auraient à retrouver un emploi équivalent », selon Gilles Gateau. 65% considèrent un changement d’entreprise comme un risque potentiel qu’ils ne sont pas prêts à courir, là où 66% des moins de 35 ans y voient une opportunité qu’ils sont prêts à saisir – les 35-54 ans étant plus mitigés. Et 77% des plus de 55 ans estiment qu’il serait difficile de retrouver un emploi équivalent en cas de perte d’emploi, 32% considérant même cela comme très difficile, alors que ce n’est le cas que de 42% et 9% des moins de 35 ans.
L’Apec précise cependant qu’au vu des incertitudes géopolitiques, ces prévisions restent très incertaines. Si Gilles Gateau rappelle qu’il y a parfois « de bonnes surprises », avec des recrutements qui n’ont pas faibli avec la guerre en Ukraine, les risques de guerre économique au niveau international et l’objectif de résorption des déficits publics au niveau national pourraient, malgré un possible rebond de la consommation des ménages, avoir un effet négatif sur la croissance et l’investissement des entreprises. Et donc sur l’emploi des cadres.
Méthodologie
Etude réalisée par la direction Données et études (DDE) de l’Apec, à partir d’une enquête annuelle auprès d’un échantillon permanent de 8 000 entreprises représentatives de la répartition par région, par taille et secteur d’activités des salariés du secteur privé en France métropolitaine, représentant 1,4 million de salariés dont 345 500 cadres. Enquête téléphonique du 14 novembre 2024 au 24 janvier 2025 sur le nombre de recrutements de cadres en CDI et CDD d’un an et entre le 1er janvier et le 31 décembre, sur le nombre de promotions internes, de sorties de cadres et sur les prévisions de recrutements pour les 12 mois suivants.
Source Cadre Emploi