"Les mentalités changent": pourquoi le nombre de Français au travail ne cesse de battre des records

Rédigé le 19/05/2025

Les derniers chiffres de l'Insee font état de taux d'emploi et d'activité records depuis que l'institut a commencé à les mesurer en 1975. Ils rèflètent notamment une amélioration de la situation des plus de 55 ans dans le sillage des dernières réformes des retraites.

Un nouveau record. Au premier trimestre, le taux d'emploi comme le taux d'activité ont atteint des sommets historiques, avec 69,5% des 15-64 ans en emploi, un chiffre en hausse de 0,4 point sur le trimestre et de 0,6% sur un an.

Le taux d'activité, qui inclut les chômeurs (rapport entre le nombre d'actifs et la population totale), s'élève désormais à 75,1%, en progression de 0,5 point sur le trimestre. Sur le plateau de Franceinfo vendredi matin, la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet s'est notamment félicitée de l'augmentation du taux d'emploi chez les 55-64 ans, qui a atteint 61,5% (à +0,5 point sur le trimestre) même si cette tranche d'âge cache des disparités, la situation étant bien plus critique pour les 60-64 ans que les 55-59 ans.

"Pour beaucoup d'employeurs, il y avait une réticence à recruter des gens qui ont plus de 57 ou 58 ans, déplore Astrid Panosyan-Bouvet. (...) On valorise l'expérience, les mentalités changent et c'est une très bonne chose."

Selon la ministre, le décalage de l'âge pour bénéficier des règles préférentielles d'indemnisation de l'assurance-chômage à partir de 55 ans -et non plus 53 ans- est "une manière d'acter l'amélioration du taux d'emploi des plus de 55 ans." La ministre du Travail et de l'Emploi a toutefois souligné l'écart persistant avec l'Allemagne. Selon l'Insee, le taux d'emploi atteignait outre-Rhin 77,2% en 2022 chez les 15-64 ans et 73,6% chez les 55-64 ans.

"Derrière les taux d'activité importants des seniors dans les pays du Nord, il y a beaucoup de temps partiel", a-t-elle rappelé, fixant l'objectif à terme de "rejoindre les taux d'activité des seniors dans les pays d'Europe du Nord."

Un effet des dernières réformes des retraites

Pour ramener la France dans la moyenne européenne, la ministre souhaite "poursuivre résolument l'accompagnement des demandeurs d'emploi vers l'emploi". "C'est tout ce qu'on a fait, tout ce qu'on est en train de faire maintenant avec les bénéficiaires du RSA." L'Insee a pour sa part examiné les effets de l'inscription automatique des bénéficiaires du RSA à France Travail depuis le 1er janvier et a calculé qu'il a pour l'instant été "négligeable sur l’évolution des trois indicateurs de l’ensemble de la population (taux de chômage, d’emploi et d’activité)".

En revanche, le chef du département de l'Emploi de l'Insee Vladimir Passeron estime que le "rythme assez fort de hausse du taux d'emploi est très lié aux différentes réformes sur les retraites, et notamment la dernière de 2023".

"Nous avons beaucoup progressé sur le taux d'emploi des 55-59 ans depuis la réforme des retraites de 2010 et celle de 2023", affirmait Astrid Panosyan-Bouvet à l'issue du Conseil des ministres la semaine dernière.

Une "inéquité"

Dans son second rapport demandé par le gouvernement pour la concertation sur les retraites et remis le mois dernier, la Cour des comptes relève cependant que l'augmentation du taux d'emploi constatée ces dernières années, grâce notamment aux réformes des retraites, s'est accompagné "d’inéquité".

"Pour les ouvriers, les personnes ayant des difficultés de santé et les femmes, le recul de l'âge de départ s'est traduit davantage par un allongement du temps passé 'ni en emploi, ni en retraite'", c'est-à-dire au chômage, en invalidité ou en maladie, note la Cour.  

Les Sages de la rue Cambon remarquent également que le dispositif de carrières longues a des effets "concentrés sur les personnes qui touchent une pension moyenne" (du 5e au 8e décile de pensions), les retraités les plus modestes des quatre premiers déciles ne représentant que 13% des bénéficiaires du dispositif.

Des signaux "inquiétants" chez les jeunes

Vendredi matin au micro de Franceinfo, Astrid Panosyan-Bouvet indiquait que "les gens de plus de 55 ans sont deux fois plus longtemps au chômage que les gens qui ont entre 20 et 49 ans". Mais les jeunes représentent également l'un des points noirs du taux d'emploi français. Lors de son discours du 15 avril à l'issue d'un "Comité d'alerte du budget", François Bayrou a pointé un taux d'emploi des jeunes Français "beaucoup plus faible que chez nos voisins européens".

Au quatrième trimestre 2024, ce taux était de 33,7% pour les 15-25 ans, selon l'Insee. À titre de comparaison, selon des données d'Eurostat, il était de 51% en Allemagne en 2024. La France compte beaucoup de jeunes "ni en emploi, ni en étude, ni en formation" (NEETS): 12,8% fin 2024, dans la fourchette haute des pays européens. Dans une note récente, le Conseil d'analyse économique (CAE) relevait que "les jeunes Français mettent beaucoup plus de temps à rentrer sur le marché du travail à la sortie de leurs études que leurs homologues allemands et britanniques", ajoutant que le problème majeur de l’emploi des jeunes est "bien l’insertion sur le marché du travail".

Et les perspectives sont moins optimistes que pour les seniors dont le taux d'emploi pourraient continuer d'augmenter à la faveur de dispositifs comme l'accès anticipée à la retraite progressive ou encore le fameux CDI senior.

Avec le retournement en cours du marché du travail, les jeunes, plus souvent en contrats courts (CDD, intérim), sont quant à eux les premiers touchés. La directrice des données et des études de l'Apec Hélène Garner pointe des signaux "inquiétants" pour cette population dont le taux d'emploi a baissé en 2024 (-0,6 point selon l'Insee).

"La baisse des aides à l’alternance", qui a été "un énorme booster de l’emploi des jeunes", risque notamment d'"avoir un impact" sur leur taux d’emploi, observe l'économiste.

Source BFM Business - Timothée Talbi avec AFP