Que dois-je faire à part démissionner?": à la Société Générale, les salariés en colère contre la réduction du télétravail

Rédigé le 05/07/2025

Les syndicats dénoncent une "annonce brutale" de la part de la direction de passer à un seul jour de télétravail par semaine, contre deux actuellement. Ils estiment que cette annonce est une rupture du contrat de confiance avec les salariés qui ont organisé leur vie personnelle en fonction.

Mobilisation d'un nouveau genre à la Société Générale. Les syndicats ont organisé jeudi 3 juillet une opération inédite intitulée "Tous sur site". Tous les employés étaient appelés à se rendre dans les locaux en même temps, une démonstration censée prouver à la direction la pagaille qu'occasionnerait un retour massif des salariés au bureau.

Cette action intervient quelques jours après que la direction a annoncé une réduction du télétravail à un jour maximum par semaine, contre deux actuellement pour la majorité des salariés (et trois pour certains). Mécontents, les syndicats dénoncent dans un communiqué commun (CFDT, CFTC, CGT) une "annonce brutale (...) sans la moindre discussion préalable, sans concertation avec les représentants du personnel".

Jeudi matin, les salariés s'étaient donc tous donnés rendez-vous à 8h45. "On voulait démontrer qu’il était impossible qu’on soit tous sur site et on le prouve bien", témoigne Adeline Foucher, responsable missions à la Société Générale, auprès de BFM Business.

"Il n'y a plus de place sur les parkings, pas assez de bureaux, certains sont allés se connecter dans d’autres étages", raconte la salariée.

Pas de mise en place avant septembre 2026

Selon la CFDT, la direction aurait même fait en sorte minimiser l'impact de cette opération médiatique. "Des sources très fiables en interne nous ont indiqué que la direction a demandé à des prestataires externes de travailler à distance aujourd'hui pour atténuer notre action", affirme Nabil Bouhachi, représentant syndical CFDT Ile-de-France / Nord.

Les salariés de la Société Générale ont reçu un mail jeudi 19 juin de la part de leur directeur général Slawomir Krupa leur annonçant une réduction du nombre de jours de travail à distance. Mais la mesure n'entrera pas en vigueur tout de suite.

En effet, la direction va devoir dénoncer l'accord d'entreprise sur le télétravail. Dans ce cas, un délai de 15 mois prévu par la loi. De quoi laisser à l'entreprise le temps d'anticiper les modalités de retour au bureau des employés, notamment en terme de capacité des bâtiments. Mais pour les salariés, l'enjeu est bien plus profond.

"C'est la première fois en 23 ans de carrière que je fais grève et que je me mobilise parce que ça va vraiment changer notre vie", s'exclame Priscilla Mariapragassam, "product owner" au sein de la banque rouge et noire.

"Une charge de travail très élevée"

Même s'il ne s'agit pas d'un retour au 100% présentiel, de nombreux salariés ont organisé leur vie personnelle en prenant en compte ces deux jours de télétravail hebdomadaires. Certains ont pris la décision d'habiter plus loin, d'autres ont choisi leur système de garde, le télétravail a aussi pu peser dans la carrière professionnelle de leur conjoint… Les implications sont multiples et profondément intimes.

Par ailleurs, selon les syndicats, le télétravail a été mis en avant par la direction comme une mesure de compensation en échange d'efforts supplémentaires demandés aux salariés. "Nombre de collègues surmontent une charge de travail très élevée, ou ont parfois accepté des mobilités internes contraignantes en intégrant dans leur équilibre de vie les deux ou trois jours de télétravail jusque-là en place", écrivent-ils dans leur communiqué.

"Ce compromis, souvent difficile mais accepté dans un esprit de responsabilité, est aujourd’hui balayé d’un revers de main."

"Que dois-je faire à part démissionner?"

Ils dénoncent également une décision en contradiction avec "les discours tenus depuis plusieurs années" qui ont "activement promu le télétravail comme un levier d’attractivité, de fidélisation, et de bien-être au travail".

Du côté de l'entreprise, la volonté affichée semble être de recréer du lien, de la créativité et la coordination entre les salariés et entre les équipes. Mais pour les syndicats la décision "intervient dans un contexte où le baromètre social est au plus bas, et vient ébranler un peu plus la confiance –déjà fragile– des salariés envers leur employeur".

"J'ai déménagé loin de Paris en 2020. Venir 4 jours à La Défense ça sera trop fatiguant à la longue (2 heures porte-à-porte l'aller)", témoigne ainsi un salarié.

"Que dois-je faire à part démissionner après plus de 20 ans dans le groupe?", s'interroge-t-il.

"Comment ne pas se poser la question de la réelle finalité de cette mesure?", s'interrogent d'ailleurs les syndicats, qui craignent qu'il ne s'agisse là d'une opération visant à réduire les effectifs à moindre frais. Contactée, la Société Générale n'a pas souhaité réagir.

Source BFM Business - Marine Cardot avec Elyne Le Faou