Ces points de PIB qui s'envolent à cause du temps perdu à scroller sur les écrans

Rédigé le 09/09/2025

Entre altération de la santé mentale, perte de temps productif et dégradation des capacités cognitives, les effets négatifs du numérique sur l'attention pourraient coûter cher à long terme, avertit une étude du Trésor.

Pour relancer la croissance, faut-il commencer par éteindre les écrans ? Selon une étude publiée ce jeudi par la Direction générale du Trésor, les entreprises du numérique créent certes de la richesse par leur activité et leurs services. Mais leurs modèles économiques, fondés sur la captation de l'attention des utilisateurs souvent à des fins publicitaires, ont aussi « de forts effets indésirables au plan socio-économique ».

L'auteur, Solal Chardon-Boucaud, a calculé que ces conséquences néfastes occasionneraient déjà pour l'économie française une perte de 0,6 point de PIB par an. Mais le pire est à venir. A horizon 2060, l'impact négatif pourrait atteindre de 2 à 2,9 points de PIB chaque année, selon lui.

Trois effets néfastes se cumulent

Pour aboutir à ces chiffres, l'étude prend en compte trois effets néfastes qui se cumulent. D'abord, la dégradation de la santé mentale. La surexposition aux écrans et l'utilisation des réseaux sociaux peuvent être associées, dans la littérature scientifique, à une détérioration de la qualité du sommeil et plus forte prévalence des troubles psychologiques, rappelle l'auteur.

La forte utilisation du smartphone pourrait causer - dès aujourd'hui - une hausse de 28 % des troubles de l'humeur en France, calcule l'auteur, pour un coût direct (soins) et indirect (absentéisme, retraite précoce) estimé à 5 milliards d'euros environ chaque année, soit 0,2 % du PIB.

A ce premier effet délétère s'en ajoute un deuxième, la perte de temps productif. Selon plusieurs études citées par la note du Trésor, dans une journée de travail, les salariés pourraient perdre entre 20 minutes et 2 heures et demie à consulter leur smartphone pour des raisons non-professionnelles. S'y ajoute le temps nécessaire, non négligeable, pour se reconcentrer après chaque interruption.

Au total, « la perte d'activité ainsi générée par l'économie de l'attention serait d'environ 10 milliards d'euros par an », soit 0,4 % du PIB. En cumulant ces deux effets négatifs, le coût s'élèverait donc dès aujourd'hui à 15 milliards d'euros par an pour l'économie, soit près de 0,6 % du PIB.

Mais à long terme, un troisième facteur, particulièrement inquiétant, pourrait lourdement peser sur l'activité : « La dégradation des capacités cognitives des enfants, qui réduira leur productivité future lorsqu'ils seront entrés sur le marché du travail », prédit la note. L'auteur rappelle que l'étude Pisa 2022 a mis à jour la corrélation (négative) entre durée d'utilisation du smartphone et résultats en mathématiques. Et ce avant même l'arrivée des modèles d'IA générative, dont les possibles effets négatifs sur l'apprentissage ne sont ici pas pris en compte.

Détérioration des capacités cognitives

En extrapolant ces résultats à la compréhension écrite et la culture scientifique, Solal Chardon-Boucaud calcule un effet global sur la baisse du score Pisa d'une forte utilisation du smartphone, puis en évalue les conséquences sur la baisse de productivité à long terme des générations futures, une fois qu'elles seront entrées sur le marché du travail. « L'impact de l'économie de l'attention sur les capacités cognitives pourrait donc atteindre de 1,4 à 2,3 points de PIB par an à horizon 2060 », conclut-il.

A cette échéance, l'impact négatif total de « l'économie de l'attention », additionnant ces trois effets, atteindrait donc bien 2 à 2,9 points de PIB. Il faut toutefois prendre cet « ordre de grandeur » avec prudence, recommande l'auteur, ses estimations reposant sur plusieurs extrapolations et hypothèses, en particulier l'évaluation de l'impact économique futur de la dégradation des capacités cognitives.

L'avenir n'est pas écrit. Différentes politiques publiques peuvent réduire ces effets néfastes, rappelle l'auteur, citant les réglementations européennes des plateformes, le Digital Service Act (DSA) et le Digital Market Act (DMA), ou encore en France les recommandations du rapport de la « commission écrans » (aucune exposition avant 3 ans, minimum de 15 ans pour accéder aux réseaux sociaux, etc.). 

Source les Echos - Stéphane Loignon