Charge de travail : comment la réguler pour préserver l’engagement, la performance… et les collaborateurs ?

Rédigé le 21/11/2025

La surcharge de travail est un enjeu majeur de QVCT, mais aussi de performance et d'engagement. Entre charge prescrite, réelle et vécue, l’entreprise doit ainsi apprendre à la réguler pour limiter les risques de burn-out. Sophie Changarnier, consultante senior manager chez Empreinte Humaine, livre des pistes concrètes pour agir à tous les niveaux de l’organisation.

La surcharge de travail n’a jamais été autant au cœur des préoccupations des entreprises. Intensification des tâches, injonction à la réactivité, explosion des réunions, travail en mode hybride : le quotidien des salariés s’est complexifié, au point que beaucoup peinent à identifier précisément ce qui relève de leurs missions et ce qui relève des contraintes périphériques. Derrière cette confusion, un risque grandissant : le burn-out et le désengagement.

Pour agir efficacement, encore faut-il comprendre de quoi l’on parle réellement lorsque l’on évoque la « charge de travail ». Car elle ne se résume pas à un volume d’activités : elle touche tout autant à l’organisation, aux ressources, aux perceptions et à la culture managériale.

Comprendre la charge de travail dans toute sa complexité

La charge de travail est difficile à appréhender car elle est multifactorielle. « On l’aborde souvent sous l’angle de la quantité de travail, mais il ne s’agit pas que de cela », explique Sophie Changarnier.

Elle repose d’abord sur la charge prescrite, celle des objectifs et KPIs définis par l’organisation. Mais cette base formelle ne représente qu’une partie du travail réellement effectué, tant elle ignore les ajustements permanents du quotidien.

Vient ensuite la charge réelle, autrement dit la « vraie vie » du collaborateur : réunions trop nombreuses, sollicitations multiples, déplacements, coordination complexe, imprévus… Cette dimension interroge aussi l’ajustement entre missions et ressources : « Le salarié a-t-il réellement les ressources humaines et temporelles pour faire face à la quantité de projets ? »

Enfin, la charge vécue désigne la manière dont chacun perçoit et ressent cet écart entre le prescrit et le réel. « Se sent-il fatigué, débordé, dépassé ? » Cette dimension subjective, souvent le meilleur indicateur de risque, peut déclencher un cercle vicieux conduisant à la perte d’énergie, de sens, puis à l’épuisement.

Ouvrir le dialogue et construire un cadre d’action commun

Beaucoup d’entreprises hésitent encore à aborder frontalement la charge de travail, par crainte de demandes supplémentaires. Pourtant, « lorsque l’on aborde la charge telle qu’elle est réellement (prescrite, réelle et perçue), le champ des possibles s’élargit ».

En parler permet de rendre visibles des irritants jusqu’ici invisibles : multiplication des réunions, priorités contradictoires, process trop lourds, manque de coordination, surcharge administrative… Autant de dysfonctionnements qui, mis bout à bout, créent un sentiment de débordement permanent.

La première étape consiste à instaurer un langage commun. À partir de là, l’équipe peut choisir deux ou trois priorités d’action, combinant quick wins (comme réduire certaines réunions, simplifier un circuit de validation ou clarifier les canaux de communication) et chantiers plus structurels autour des objectifs ou des ressources.

Évaluer la charge et développer des modes de régulation efficaces

Agir durablement suppose d’évaluer la charge de manière fine et partagée. « Demander aux salariés de mesurer seuls leur charge ne suffit pas : il est parfois impossible de tout retracer ». D’où l’importance de créer des espaces d’échange où chacun peut décrire ses missions, ses contraintes, ses imprévus ou encore ses marges de manœuvre.

Ces discussions permettent de co-construire des indicateurs adaptés : volume, complexité, degré d’imprévu, coordination requise, autonomie… Une fois définis, ces indicateurs deviennent des outils précieux pour décider s’il faut recruter, réorganiser, simplifier ou prioriser.

Cette régulation n’est pas qu’individuelle. « Nous ne sommes pas une somme d’individus travaillant côte à côte, mais un collectif ». La charge se régule donc également à l’échelle de l’équipe : redistribution ponctuelle des tâches, soutien entre collègues, ajustements réguliers… Certaines organisations vont jusqu’à créer des groupes autonomes capables de gérer elles-mêmes leur charge.

Renforcer les compétences individuelles et managériales

Pour un collaborateur, la première étape consiste souvent à écrire ses tâches pour visualiser sa charge et retrouver une capacité de priorisation. Mais lorsque tout devient urgent ou ingérable, il faut demander de l’aide. « Il ne faut pas rester seul. Un regard extérieur est indispensable pour prendre du recul ». Ce soutien peut venir du manager, d’un collègue ou de professionnels spécialisés.

Le rôle du manager est déterminant, à condition d’être exercé au plus près du terrain. D’où la nécessité d’échanges réguliers, de rituels dédiés à la charge, d’une écoute active et de réajustements constants. Le manager est une « personne ressource », mais il doit lui-même être accompagné et soutenu par la direction.

Changer la culture reste enfin un levier essentiel. Dans certaines organisations, la surcharge est encore valorisée : e-mails tardifs, longues journées, sentiment d’urgence permanent. « Il faut cesser de penser qu’il est “normal” d’être débordé ». Cette transformation culturelle doit être collective, mais aussi individuelle.

Regarder la charge telle qu’elle est réellement

La surcharge de travail n’est pas une fatalité, mais un phénomène systémique qui appelle une approche globale : dialogue transparent, régulation collective, indicateurs pertinents, soutien managérial et transformation culturelle. En acceptant de regarder la charge « telle qu’elle est réellement », comme le recommande Sophie Changarnier, l’entreprise se donne les moyens d’agir efficacement ; pour prévenir l’épuisement professionnel et renforcer une performance durable.

Source Courrier Cadres