Selon une étude publiée dans Deel, 67% des entreprises prévoient de réduire leurs recrutements de profils juniors d’ici trois ans. Mais si elles arrêtent de former des jeunes, qui seront les travailleurs expérimentés de demain?
La révolution de l'IA n'arrive pas, elle est déjà là. L'intelligence artificielle est déjà utilisée par de nombreux salariés et son implantation dans les entreprises a déjà des conséquences sur l'emploi. Selon une étude réalisée de Deel, une plateforme de paie et RH, réalisée auprès de 5.500 entreprises dans 22 pays, dont 250 en France, 83% d’entre elles observent déjà des transformations ou suppressions de postes.
Plus précisément, et dans une logique d’automatisation et d’efficacité, 67% des entreprises interrogées prévoient de réduire leurs recrutements de profils juniors d’ici trois ans. Autrement dit, elles misent sur le fait que les tâches habituellement réalisées par les jeunes recrues pourront être effectuées par l'intelligence artificielle.
Un constat qui rejoint celui d'une précédente étude réalisée par trois chercheurs de l'Université de Standford et qui observaient "des baisses substantielles de l’emploi pour les jeunes travailleurs (22-25 ans) dans les professions les plus exposées à l’IA, comme les développeurs logiciels et les représentants du service client." Ils expliquaient ce phénomène par les connaissances "plus théoriques" des profils juniors, comme nous vous le racontions dans cet article.
Sans juniors, comment former les futurs séniors?
Sauf qu'avec cette réflexion, les entreprises s'enferment dans leur propre piège: comment former les expérimentés de demain sans embaucher de juniors? Il y a de moins en moins de jeunes recrues, donc ce sont autant d'employés qui ne sont pas formés au sein de l'entreprise, qui ne peuvent pas apprendre auprès de leur managers ou de leurs collègues plus expérimentés.
Et le risque, c'est qu'une fois que les profils séniors partis à la retraites, les entreprises fassent face à un manque cruel de compétences.
Ainsi, 70% des dirigeants français constatent "une raréfaction des opportunités de formation 'sur le terrain', ces missions concrètes qui permettaient jusqu’alors aux jeunes talents d’apprendre par la pratique, désormais en partie automatisées", toujours selon l'étude. En parallèle, 75% disent qu'ils ont du mal à recruter "faute de parcours d’apprentissage adaptés aux nouveaux enjeux".
"Ce que nous observons en France s’inscrit dans une dynamique plus large à l’échelle européenne", commente Jeremy Mimoun, responsable France de Deel. "Les entreprises du continent font face aux mêmes arbitrages entre automatisation des tâches, raréfaction des profils juniors et besoin urgent de requalification."
Les PME vont-elles sauver les jeunes?
Selon une autre étude publiée par l'organisation britannique BSI, les PME sont moins offensives que les grands groupes sur l'IA. "Nos conclusions révèlent une tendance inquiétante: les dirigeants semblent 'retirer l’échelle', privilégiant la productivité à court terme au détriment de la résilience à long terme de la main-d’œuvre", renchérit Kate Field, l'une des autrices de l'étude chez BSI.
"Si rien n’est fait, cela pourrait avoir des conséquences durables: affaiblissement du vivier de compétences, aggravation des inégalités générationnelles et fracture entre grandes entreprises et PME."
En effet, selon ce sondage réalisé auprès de dirigeants d'entreprises dans sept pays différents, la moitié (51%) des répondants issus de PME considèrent que l’IA est cruciale pour la croissance de leur organisation, contre près de 69% dans les grandes entreprises. Les dirigeants de petites et moyennes entreprises sont également moins nombreux à envisager des suppressions d'emplois liées à l'IA.
Les auteurs de l'étude font même le pari que "les PME pourraient devenir le pilier du développement des compétences, en offrant davantage d’opportunités d’emploi et de formation pour la Génération Z".
"Les PME se retrouvent dans une position cruciale, façonnant l’avenir du travail en assumant la responsabilité de la formation de la Génération Z", conclut Kate Field.
Etude réalisée par IDC et commandée par Deel. 5.500 entreprises ont participé, les répondants proviennent d’organisations de toutes tailles et occupent des postes décisionnels en matière de stratégie business et digitale. L’étude couvre 22 pays à travers le monde : Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chili, Chine, Colombie, France, Allemagne, Hong Kong, Inde, Israël, Japon, Corée du Sud, Mexique, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Singapour, Espagne, Suède, Royaume-Uni et États-Unis. La collecte des données a été réalisée en septembre 2025.
Source BFM Business - Marine Cardot

