Transparence salariale : demain, connaîtrez vous le salaire de vos collègues ?

Rédigé le 15/04/2024

Une directive européenne sur la transparence des rémunérations a été publiée en juillet 2023. Et devrait être transposée au droit français en juin 2026... Si certaines entreprises se montrent frileuses à l'égard d'une telle mesure, d'autres l'ont déjà adoptée et en sont satisfaites !

Dans le monde du travail de demain, aurez-vous la possibilité de connaître le salaire de vos collègues ? Non, selon Philippe Pinault, CEO de Talkspirit. « La transparence des salaires ne sera pas totale, mais les informations à ce sujet vont évoluer vers plus de clarté. Les salariés sauront plus clairement quelles compétences seront attendues pour évoluer en entreprise, et combien ils gagneront à quel poste. Une définition plus précise de ces critères justifiera en quelque sorte la position d’une personne. »

Et, selon lui, pour que cela soit possible, le manager devra être formé « pour accompagner les salariés dans leur montée en compétences, les évaluer objectivement et de manière équitable, en ne prenant pas en compte uniquement leurs compétences techniques, mais aussi leurs compétences humaines. Ces outils l’aideront dans ses prises de décisions au moment d’accorder une promotion ou une augmentation. »

L’objectif recherché est donc de donner à tous les collaborateurs de l’entreprise les mêmes chances d’évoluer, car l’inverse est délétère. « Les disparités sont dommageables sur le long terme pour une entreprise, poursuit le dirigeant. Le manque de transparence des salaires entraîne de la confusion, de la démotivation, un cadre de sécurité psychologique instable qui pousse les collaborateurs à partir. »

Bénéfique pour les femmes

Des entreprises françaises n’ont pas attendu 2026 pour miser sur la transparence salariale. HelloWork, par exemple, confirme l’efficacité d’une telle mesure. « Nous y réfléchissions depuis longtemps, nous avons commencé à communiquer des grilles de salaires il y a près de deux ans, car nous sentions ce besoin de se renforcer autant du côté des recruteurs que des candidats et des collaborateurs », affirme Flavien Chantrel, directeur de la communication. Et, d’après lui, la transparence salariale commence dès le recrutement. « Les entreprises qui publient des offres de travail sans fourchette de salaires deviennent des exceptions et ne sont plus attractives aux yeux des candidats. Elles sont seulement 20 % aujourd’hui à rester opaques, observe le spécialiste en recrutement. Mais attention, car cette fourchette doit être savamment réfléchie en amont par les services RH : elle doit être cohérente avec les salaires des collaborateurs en interne. »

Le cas échéant, cela pourrait provoquer « des jalousies déplacées », ajoute-t-il. Les collaborateurs ont, en effet, tendance à « comparer leur salaire avec celui de leurs collègues qui ont des expériences différentes, n’exercent pas le même métier, ou ont un niveau hiérarchique qui n’est pas identique au leur. Ils comparent des éléments incomparables, sans avoir connaissance de toutes les logiques qui s’opèrent sur le marché du travail. La transparence des grilles de salaires est donc un outil de compréhension efficace de lutte contre les inégalités salariales injustifiées, souvent très forte entre les hommes et les femmes. Pour ces dernières, la généralisation de ce dispositif va être une formidable évolution professionnelle ! » En 2022, les femmes du secteur privé gagnaient en moyenne 23,5 % de salaire en moins que les hommes, selon les derniers chiffres de l’INSEE. Et ce fossé se creuse quand ces femmes deviennent mères.

“Chez Shine, on ne négocie pas son salaire”

Découvrez le témoignage de Manu Wagner, responsable Compensation & Benefits chez Shine*. Cette banque en ligne, après avoir créé en 2018 une grille de salaire transparente, a lancé l’an dernier un simulateur de salaires :

« Lorsqu’un candidat postule chez nous, il connaît son salaire avant même que l’entretien ne commence, il lui suffit de rentrer ses données dans le simulateur. Le sujet est évacué tout de suite, c’est du stress en moins et cela limite les biais. Le salaire est fonction du niveau de la personne dans notre grille de salaires, qu’elle soit un homme ou une femme. S’ajoutent ensuite deux bonus. Le premier est un bonus d’ancienneté dans la vie active, qui récompense l’expérience professionnelle de manière générale et pas seulement dans le poste ou l’entreprise comme souvent. Le second est un bonus pour les personnes à charge (dans la limite de 3), reflet de notre valeur solidarité (des enfants, un parent qui a perdu en autonomie…). Ce simulateur permet aussi aux salariés de se projeter, de voir quel sera leur salaire quand ils auront atteint tel niveau, telle ancienneté, s’ils font une mobilité interne… Les augmentations se font selon la grille de compétences, ce qui évite les enveloppes à la tête du client et réduit les inégalités. Résultat : cela limite les comparaisons et rend le sujet salaires bien moins sensible que dans une entreprise classique où ils ne sont pas connus. »

*Propos recueillis par Margaux Rambert, témoignage paru à l’origine dans le magazine Courrier Cadres daté de novembre-décembre 2023.

Source Courrier Cadre - Léa Lucas