Pourquoi parle-t-on d’un rachat potentiel de la Société Générale ?

Rédigé le 16/05/2024

Des déclarations d'Emmanuel Macron, se disant ouvert à un rachat hypothétique de la banque française Société Générale par le géant espagnol Santander, ont agité le monde bancaire.

Société Générale est-elle à vendre? C'est une courte déclaration d'Emmanuel Macron qui a agité le secteur bancaire au début de la semaine, laissant entendre qu'un rachat de la banque française par sa concurrente espagnole Santander n'était pas un scénario impossible. Dans les faits, pourtant, une telle possibilité a peu de chances de se concrétiser à l'heure actuelle.

• Pourquoi parle-t-on d'une vente?

Au cours d'une interview, lundi soir, la chaîne financière américaine Bloomberg TV a interrogé Emmanuel Macron (en anglais) au sujet d'un exemple fictif du géant bancaire espagnol Santander souhaitant acheter le groupe bancaire français Société Générale. À cette question, le président de la République a répondu être ouvert à un potentiel rachat d'un établissement français par une autre banque européenne, sans avoir explicitement cité Société Générale dans ses propos.

"Cela fait partie du marché, agir en tant qu'Européens signifie que vous avez besoin de consolidation en tant qu'Européens", a déclaré Emmanuel Macron, ajoutant que des fusions transfrontalières pourraient "certainement" être possibles dans le secteur bancaire.

• Pourquoi a-t-on évoqué Société Générale?

Si l'on se concentre sur les trois grandes banques cotées au Cac 40, Société Générale est la moins bien valorisée par les investisseurs: à supposer qu'un établissement étranger veuille racheter une banque française, ce serait la proie la plus facile. Sa capitalisation boursière pèse 22 milliards d'euros, bien moins lourd que BNP Paribas (80 milliards d'euros) ou Crédit Agricole SA (47 milliards d'euros) –cette dernière, par ailleurs, appartient aux banques régionales du groupe Crédit Agricole.

Par ailleurs, la tendance actuelle n'est pas non plus favorable à la "SocGen": le prix de l'action Société Générale est encore 15% inférieur à son niveau juste avant la pandémie. Et le titre est moins cher que celui de ses concurrents. Selon une présentation de septembre de l'établissement, la valeur en Bourse de Société Générale représentait 0,4 fois son bilan comptable (pour simplifier), contre 0,8 fois en moyenne pour neuf autres grandes banques européennes. Or, en Bourse, plus une valeur est bon marché, plus il est théoriquement intéressant de l'acquérir.

Les déclarations d'Emmanuel Macron, même si elles n'ont pas spécifiquement cité Société Générale, ont donné un regain d'énergie à la spéculation sur la consolidation bancaire.

• Les banques européennes sont-elles trop petites?

Des appels à la consolidation du secteur bancaire européen sont régulièrement lancés sur le Vieux continent, notamment de la part de la Banque centrale européenne (BCE). En dehors du géant britannique HSBC, aucune banque d'Europe continentale ou du Royaume-Uni ne figure dans le top 15 des établissements bancaires mondiaux en termes de capitalisation boursière, c'est-à-dire la valeur totale des actions.

En outre, après avoir traversé la crise sanitaire, nombre de banques ont enregistré des profits records avec la remontée des taux d'intérêt, ce qui leur donne plus de marges pour des grandes manœuvres.

• Une telle opération est-elle vraiment possible?

Concrètement, à l'heure actuelle, une opération transfrontalière est une hypothèse peu probable en Europe. Le marché bancaire européen est éclaté entre différents pays où les règles ne sont pas les mêmes (des taux fixes en France, par exemple, et variables dans d'autres pays), ce qui limite les synergies que dégagerait un rachat d'une banque d'un pays européen par un autre établissement d'un autre pays. Or, les synergies font tout l'intérêt d'une opération de rachat.

"Seul un acteur domestique peut acheter un autre acteur domestique", a encore rappelé mardi le directeur général de BNP Paribas, Jean-Laurent Bonnafé, lors de l'assemblée générale du groupe.

Des rachats de petits établissements par de grands groupes d'autres pays européens ne sont pas rares (BNP Paribas, par exemple, a racheté la banque polonaise BGZ en 2013), mais difficile de trouver des exemples entre deux grands acteurs européens.

Source BFM Business Jérémy Bruno avec AFP