L'exécutif veut réformer à nouveau les règles d'indemnisation des demandeurs d'emplois. Economies budgétaires, bonus-malus, contracyclité... Voici les points essentiels du projet.
Une "deuxième étape" très attendue: le ministère du Travail doit présenter dans les prochains jours les contours de son nouveau projet de réforme de l'assurance chômage, un an à peine après l'entrée en vigueur de sa dernière réforme. En attendant la publication du projet, la ministre du travail Catherine Vautrin reçoit les partenaires sociaux, dont en premier lieu le président de la CFE-CGC, François Hommeril, ce mercredi.
Le représentant syndical a évoqué une discussion déjà "difficile", et toutes les organisations ont décidé de s'unir dans un front commun, comme une réforme jugée comme de trop, après une réforme en 2019 appliquée en 2021, et un premier volet en faveur du plein-emploi, en 2023.
Un projet de loi, porté par le groupe Liot et sa députée de l'Ariège Martine Froger, doit désormais contrarier le calendrier de l'exécutif. Ce dernier va faire passer la réforme par décret - c'est-à-dire sans débat parlementaire - après que les syndicats et le patronat n'aient pas réussi à tomber d'accord sur l'emploi des seniors.
Faute de compromis syndical, c'est l'État qui reprend la main et doit publier les nouvelles règles début juin, pour application le 1er juillet. Liot veut désormais porter un texte de loi le 13 juin, lors de sa "niche" parlementaire (journée durant laquelle un groupe d'opposition est à l'initiative du texte examiné).
Avec pour but d'éclaircir et de soumettre au vote parlementaire ces nouvelles règles : il proposera d'interdire à l'Etat de réduire la durée d'indemnisation, d'augmenter les marges de manœuvre des syndicats, ou de supprimer la "contracyclicité" des prochaines réformes. En attendant, une partie des nouvelles règles a déjà filtré. BFM Business fait le point.
• Comment les conditions seront-elles durcies ?
"Les conditions d'affiliation seront durcies" a ainsi décrit François Hommeril, à la sortie de son entretien avec Catherine Vautrin. Il faudra avoir travaillé 8 mois dans les 20 derniers mois, au lieu de 6 mois dans les 24 derniers mois actuellement, pour toucher une allocation, selon le représentant syndical.
Le Premier ministre Gabriel Attal avait évoqué trois leviers pour faire évoluer le système: la durée d'indemnisation, le niveau des allocations, et les conditions d'affiliation. Pour l'instant, c'est le troisième qui semble tenir la corde: Marc Ferracci, député Renaissance à l'origine de la première réforme du quinquennat sur le sujet, affirmait récemment que ce levier avait des effets "plus rapides" sur l'emploi. Et pour cause: il exclue mécaniquement et sans délai une partie des allocataires.
L'Unédic, organe paritaire en charge de la gestion du système, évoquait dans une note, rendue publique par Le Monde, soulignait que demander 7 mois de travail pénaliserait 11% des demandeurs d'emplois aujourd'hui indemnisés; c'est encore plus brutal en ramenant la période de référence de 24 à 18 mois: 31% seraient visés. Les jeunes de moins de 25 ans et les chômeurs inscrits après un CDD -soit les plus précaires-seraient les plus touchés.
• Quel est l'objectif du gouvernement ?
Emmanuel Macron ne s'en cache pas: il veut accrocher le plein-emploi à son bilan avant la présidentielle de 2027.
"L’objectif doit être celui-là. Je pense que l’on y arrivera dans les prochaines années, même si cela dépend des effets de cycle et des variations entre territoires", explique le chef de l'État dans un entretien accordé au journal L'Express.
Le plein-emploi ne se traduit pas par une absence de chômage, mais par un niveau très bas, sous les 5% selon l'Organisation internationale du travail: dans cette situation, l'essentiel du chômage restant correspond à un chômage "de friction", durant lequel les demandeurs d'emplois sont entre deux emplois, ou durant laquelle un employeur est en cours de recrutement. Au premier trimestre, la France en restait éloignée, à 7,5%, un chiffre stable sur 6 mois, mais en hausse sur un an, après une baisse historique début 2023 (7,1%, record depuis trente ans).
Cette nouvelle réforme tente donc de réduire le chômage, même si les syndicats y voient une autre ambition : faire des économies. Si le gouvernement veut remettre 90.000 personnes sur la voie du travail, il compte aussi récupérer 3,6 milliards pour les caisses de l'Etat. "Il serait largement temps que le gouvernement joue carte sur table et expose les véritables motifs de cette énième réforme" qui est "purement budgétaire", soutenait mardi la secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon.
Dans les hypothèses présentées plus haut, la réduction de la durée d'indemnisation à 7 mois et la diminution de la période de référence de 24 à 18 mois, rapporteraient respectivement, selon l'Unédic, 400 millions et 5,1 milliards d'euros. De quoi améliorer la situation des comptes de l'Unédic, déjà dans le vert, et dans lesquels l'État a pris l'habitude de piocher pour équilibrer ses propres comptes.
• Qu’est-ce que la contracyclicité ?
Ces économies pourraient s'avérer d'autant plus fortes si une mesure venait à être imposée, concernant la contracyclicité des allocations. Ce principe de contracyclicité s'applique depuis la dernière réforme, et introduit une modulation dans les règles: quand le taux de chômage passe sous les 9%, la durée d'indemnisation est réduite de 25%.
L'idée est de resserrer les règles quand les conditions macroéconomiques sont bonnes, et de les assouplir quand elles se dégradent.
"On agit au bon moment du cycle, parce que c’est lorsque la croissance s’apprête à repartir qu’il faut préparer les conditions du durcissement de l’assurance-chômage", estime encore Emmanuel Macron.
La nouvelle réforme pourrait en effet introduire un second seuil, sous les 6,5%, en dessous duquel les indemnisations seraient encore plus réduites - de 40%. De quoi dégager selon l'Unédic 3 milliards d'euros, à condition d'atteindre ce taux, ce qui ne s'est plus produit depuis le début des années 80.
• Quels bonus-malus en fonction des situations individuelles ?
Dans le même esprit, l'exécutif prévoit l'introduction la suppression de mesures permettant d'augmenter ou d'abaisser les cotisations ou allocations en fonction de cas particuliers.
Le dispositif le plus connu, et déjà existant, est celui du bonus-malus patronal: il oblige les patrons à verser plus de cotisations (le taux normal est de 4,05%) ou leur permet d'en verser, en fonction de leur recours à des contrats courts. Dans sept secteurs pour l'instant (agroalimentaire, eau et déchets, hôtellerie/restauration, bois et imprimeries, plasturgie, transport, activités scientifiques spécialisées), des entreprises peuvent être sanctionnées ou encouragées. Le dispositif devrait être étendu à d'autres secteurs dans la nouvelle mouture : Matignon bataille selon nos informations en faveur d'un élargissement restreint, quand le ministère du Travail voudrait généraliser le dispositif.
Autre dispositif de modulation, celui destiné aux seniors: ils sont aujourd'hui indemnisés jusqu'à 22,5 mois pour les 53/54 ans, et jusqu'à 27 mois pour les 55 ans et plus. Alors que les syndicats ont échoué à introduire des bonus à l'embauche (en signant deux accords liés aux dispositifs de compte épargne-temps et aux reconversions), le gouvernement veut supprimer le premier échelon et réserver le deuxième échelon aux demandeurs d'emploi de plus de 57 ans. Pour pousser les seniors à accepter un emploi moins bien payé que son précédent poste, une prime de reprise d'activité devrait être mise en place.
Concernant les seniors encore, le dispositif de maintien dans l'emploi (qui permet de conserver une allocation après 62 ans, le temps d'atteindre une retraite à taux plein) devrait être plafonné à 1800 euros net, soit 57% du plafond de la Sécurité Sociale. Il ne faisait l'objet d'aucune réglementation de ce type jusqu'ici ; les syndicats dénoncent une attaque sur les cadres, perdants potentiels de cette réforme.
Source BFM Business - Valentin Grille