Si le gouvernement s'est récemment emparé du sujet de l'empathie pour lutter contre le harcèlement scolaire, quid des entreprises ? Est-ce un moyen vraiment efficace pour lutter contre le harcèlement ? Oui, sans aucun doute, selon la psychologue clinicienne du cabinet Ifeel, Angélica Barrero-Guinand. Explications.
Tout d’abord, l’empathie se définit comme la « capacite des êtres humains à reconnaître la souffrance d’autrui et à vouloir faire quelque chose pour l’aider, rappelle la psychologue clinicienne, Angélica Barrero-Guinand. C’est une qualité émotionnelle qu’on peut développer, mais dont certains disposent dès leur plus jeune âge ». A noter qu’elle diffère de la bienveillance ou encore de la gentillesse. « La gentillesse peut être un masque qui cache d’autres émotions, précise-t-elle. Il est facile pour une personne de sourire, d’adoucir sa posture, de choisir le ton et les mots adaptés pour obtenir ce qu’elle souhaite de l’autre. »
L’empathie est « plus profonde », note-t-elle. En entreprise, sa force réside dans la faculté d’un manager (ou d’un collaborateur !) à « laisser l’autre s’exprimer librement, à comprendre un point de vue différent, à l’accepter tel qu’il est, à échanger de manière transparente afin d’éviter toutes mauvaises interprétations, ou encore à chercher des solutions ensemble pour que tout le monde se sente bien. Toutes ces actions permettent à chacun de réguler ses émotions au quotidien, d’éviter les tensions, et donc, de rester aligné d’un point de vue identitaire. Les besoins, envies, ressentis sont respectés », explique la psychologue.
Destruction identitaire
Le harcèlement, c’est précisément tout l’inverse ! Il se définit par une persécution répétée et intentionnelle à l’égard d’autrui entraînant une dégradation de ses conditions de travail (regard méprisant, moquerie humiliante, geste déplacé, critique infondée, isolement injustifié, tâches irréalisables, propagation de rumeurs, ou encore punitions infantilisantes). Tout cela a pour objectif de « casser l’identité de la victime, car les attaques sont dirigées, non pas vers son travail, mais vers ce qu’elle est, poursuit Angélica Barrero-Guinand. C’est la violence la plus silencieuse qui soit. Le harcèlement (moral ou sexuel, ndlr) entraîne une modification de l’état d’esprit et du comportement des individus qui le subissent, car ils vont chercher à se protéger. Ils vont, par exemple, être plus en alerte, parce qu’ils ne feront pas confiance aux personnes qui les entourent. Chacun est affecté différemment, mais les blessures sont profondes et durables, car cela abîme, voire détruit, la confiance en soi. Ce qui entraîne un trouble identitaire. »
C’est pourquoi, l’empathie se présente comme l’un des antidotes au harcèlement. En étant précisément deux contraires, les conséquences obtenues sur l’identité de l’individu sont radicalement différentes : constructive avec l’empathie ; destructrice avec le harcèlement. A condition toutefois que l’empathie ne se transforme pas « en excès de compassion », précise-t-elle. « L’empathique doit savoir écouter, accompagner, tout en fixant des limites afin que la relation ne devienne pas toxique. » Une fois formés, les managers pourront « instaurer le juste climat au sein d’une équipe, et plus largement d’une organisation. »
L’empathie, clé d’un management sécurisant
Si la place de cette qualité émotionnelle gagne en importance en entreprise, notamment depuis le Covid-19, la spécialiste en santé mentale indique que du chemin reste à parcourir : « En France, contrairement à d’autres pays, notamment scandinaves, la culture professionnelle reste rigide. Les émotions doivent être laissées de côté lorsque les salariés arrivent sur leur lieu du travail. Or, la flexibilité est indispensable à l’empathie. Des entreprises mettent en place des actions en ce sens, mais les disparités sont grandes. »
Source Courrier Cadres - Par Léa Lucas