Alexandre des Isnards a récemment écrit le livre "La visio m’a tuer" chez Allary Editions. L’écrivain explique pour La Dépêche du Midi sa vision du télétravail, de la visio et de ce nouveau monde qui a bouleversé les habitudes des entreprises.
Comment vous est venue l’idée d’écrire ce livre ?
Elle ne vient pas de moi. C’est un internaute sur LinkedIn qui m’a interpellé et qui m’a dit : "Alexandre, à quand 'le télétravail m’a tuer'". Et je me suis dit, il est bien gentil mais mes livres ne sont pas des concepts marketing (Alexandre des Isnards avait écrit "Facebook m’a tuer" et "L’open space m’a tuer", NDLR). Il faut vraiment qu’il y ait un changement pour mener une enquête et interroger les gens. J’ai réfléchi, je me suis dit 'en fait, il a raison'.
L’avez-vous vécu personnellement ?
Au début c’est plutôt en interrogeant mon entourage. Mais je l’ai vécu en tant que professeur. Quand j’ai commencé à donner des cours, après le Covid, l’école a maintenu une proportion de distanciel. Mes quatre premiers cours avec ma classe, c’était en distanciel avec des initiales. On voit juste des petites pastilles et on a l’impression de prêcher dans le désert. J’ai dit, 'je ne refais plus ça'.
Ce livre est-il une critique du télétravail ?
Ce livre ne vise pas à prendre parti pour ou contre le télétravail. D’ailleurs, je n’ai pas appelé ça le télétravail. Il est plébiscité par les salariés parce que c’est comme un moyen assez extraordinaire pour organiser sa vie. Je souhaitais plutôt mettre en avant la visio, le fait de travailler par écran interposé. Désormais c’est un mode de travail qui est installé.
Pourtant, certaines entreprises appellent ces dernières semaines leurs salariés à revenir en présentiel. Est-ce que ça vous étonne ?
Absolument pas. Je ne vois pas comment on peut créer un sentiment d’appartenance en restant en pyjama. Cependant, il me semble qu’un retour en arrière est improbable, car les salariés se sont désormais habitués au télétravail, même lorsqu’ils sont au bureau. C’est-à-dire que les gens se font des visios d’un étage à l’autre. Parce que c’est plus simple, on peut partager un document, on a son double écran, on a son poste de travail, ça va plus vite en fait. Et quand ça va plus vite, c’est ça qui gagne dorénavant. Mais ça ne veut pas dire que c’est mieux. Et c’est ça mon point de vue, c’est que les visios sont fatigantes, c’est une performance, on reste derrière son écran, on transmet moins de choses.
C’est quoi le danger qui guette le plus la visio en ce moment selon vous ?
Le danger qui est provoqué par la visio, c’est l’isolement, la perte des collectifs, la perte de cohésion. Je pense que le défi principal, ce sera de synchroniser les gens. Et quand on ne vient pas au même moment au bureau, comment créer des moments collectifs ? C’est un des problèmes de l’entreprise et c’est pour cela que certaines font tout simplement l’abrogation du télétravail.
Est-ce que vous pensez que c’est un peu la fin de l’âge d’or du télétravail ?
Mon propos, c’est plutôt de dire : 'est-ce qu’il y a vraiment eu un âge d’or ?' Il y a eu un développement, c’est sûr. Je pense que ça va être un peu comme avec les open spaces sauvages du début. On a aménagé les bureaux mais on ne revient pas non plus aux bureaux fermés. D’ailleurs, est-ce que c’est souhaitable ? C’est la même chose. On va peut-être aménager le télétravail. Il est temps de se mettre d’accord, peut-être de se synchroniser, de choisir les jours. Il faut négocier à la fois les conditions dans lesquelles ça se passe chez soi et les conditions dans lesquelles ça se passe dans les bureaux. Toutes ces choses-là, je ne sais pas s’il faut les légiférer. Mais il faut les négocier, les harmoniser afin de trouver des nouvelles manières d’échanger pour que l’impact humain soit moins fort.
Source Dépêche du Midi