Mon employeur peut-il décider librement de diminuer mon salaire ?

Rédigé le 13/11/2024

En principe, un employeur doit obtenir l’accord des salariés pour réduire leur rémunération. Mais, il existe plusieurs manières de détourner cette règle. « Capital » fait le point.

Votre patron peut-il décider seul de réduire votre salaire ? Pas tout à fait. Il doit d'abord obtenir votre accord. En effet, la rémunération est un « élément essentiel » du contrat de travail. Elle compose le « socle contractuel » aux côtés du temps de travail, de la fonction du salarié voire du lieu de travail, précise Elodie Cohen-Morvan, avocate spécialiste du droit du travail. De ce fait, il n’est pas possible de modifier la rémunération d’un salarié - à la hausse ou à la baisse - avant d’avoir obtenu son accord. Et ce, même si l’employeur décide de contourner la règle en ajoutant une ligne au contrat de travail spécifiant qu’il se réserve la possibilité de modifier librement la rémunération. C’est le principe en vigueur.

Mais force est de constater qu’il existe quelques exceptions offrant la possibilité à un employeur de diminuer le salaire de ses collaborateurs sans leur avis. Tous les éléments de la rémunération - salaire fixe, primes, majorations ou avantages en nature - doivent figurer sur le contrat de travail.

Ne pas définir les primes dans le contrat de travail, un moyen de les réduire facilement

Dans ce cas, la « rémunération variable » fait elle aussi partie « du socle contractuel et on ne peut pas la modifier » rappelle l’experte. À moins que l’employeur décide de ne pas faire apparaître les primes et les autres éléments de rémunération sur le contrat de travail mais plutôt de passer par « l’usage » ou «un engagement unilatéral», précise l’avocate. Dans le premier cas, il suffit par exemple de l’annoncer lors d’une réunion CSE (comité social et économique) ou d’écrire une note de service. L’employeur doit tout de même spécifier les « modalités de calcul » de la prime mais il peut le faire « à l’écrit ou à l’oral ». Il peut ensuite décider « unilatéralement » d’augmenter ou de diminuer le salaire de ses collaborateurs, le tout sans leur accord.

L’employeur doit alors respecter ce qu’on appelle la « dénonciation d’un usage ». Il s’agit de la procédure à suivre dès lors qu’un chef d’entreprise décide de supprimer ou de modifier un usage. Il doit consulter le CSE - sans pour autant obtenir son accord, informer individuellement chaque salarié, puis respecter un délai de prévenance suffisant. « Quand la prime est versée tous les mois, un délai de prévenance de trois mois sera suffisant. Pour une prime annuelle, le délai passe à un an », précise Elodie Cohen-Morvan.

Opter pour l’accord de performance collectif afin de diminuer le salaire des collaborateurs

Autre exception : « quand l’employeur envisage de diminuer le salaire de base, le fixe, il peut opter pour l’accord de performance collective (APC) », affirme l’avocate. « Cet accord collectif permet d’aménager notamment le niveau de rémunération des salariés afin d’obtenir d’abord l’accord des organisations syndicales majoritaires », poursuit-elle. L’APC s’impose aux salariés qui peuvent «toujours refuser mais dans ce cas, leur refus devient un motif de licenciement», prévient l’experte. L’employeur n’a pas à prouver un autre motif de licenciement tel que le motif économique ou personnel : la rupture du contrat de travail est automatique. « La jurisprudence dit quand même que l’accord doit se justifier par un souci de réorganisation par exemple », ajoute Elodie Cohen-Morvan.

Toujours est-il que, lorsqu’un employeur décide de baisser le salaire de certains collaborateurs, ces derniers peuvent décider de refuser. Dans ce cas, « le salarié risque le licenciement et généralement l’employeur va sur le terrain du motif économique ». «Si le motif ne tient pas la route, le salarié peut poursuivre l'employeur en justice, mais il n’a pas droit à la réintégration au sein de la société, il ne percevra qu’une indemnité», ajoute l’avocate. Si l’employeur doit obtenir l’accord du salarié avant de diminuer son salaire, « cette règle, en principe intangible, ne protège pas de manière absolue le salarié », conclut l’experte.

 

Source Capital