Après 20 ans passés dans la même entreprise derrière un bureau, difficile de se lancer dans une reconversion. Quitter un job bien payé pour devenir architecte d'intérieur ou wedding-planneur? Trois salariés nous racontent comment ils ont changé de vue grâce au Compte Personnel de Formation (CPF), qui fête ses dix ans.
Téléconseillère pour une compagnie d'assurance, Alexandra* a passé 20 ans de sa carrière derrière un téléphone. Jusqu'au jour où les signes du "bore-out" se sont fait sentir. Par opposition au "burn-out", il désigne un état de souffrance au travail provoqué par l'ennui ou l'absence de tâches intéressantes à effectuer.
"Je me sentais inutile, invisible dans mon entreprise, comme si je ne valais rien. Je suis tombée en arrêt maladie", raconte Alexandra.
Elle cherche alors à changer de métier. Celle qui a toujours travaillé dans les assurances fait appel à un coach professionnel et décide de se rediriger vers l'événementiel et l'organisation de mariages.
"C'est ce qui me correspondait le plus parce qu'il y une relation client très intense, on est au cœur de l'intimité des gens", explique-t-elle.
Elle utilise son Compte Personnel de Formation (CPF) pour payer une formation de wedding-planner. "Sans ce dispositif, je n'aurais jamais pu la payer seule, 3.000 euros, c'est énorme, je n'avais pas du tout les moyens", précise la quadragénaire.
"Le CPF a vraiment joué un rôle important"
Il y a encore 10 ans, Alexandra n'aurait peut-être pas franchit le pas. Car le CPF n'existait pas encore. Il fête sa décennie d'existence ce jeudi 21 novembre. "Je me serai peut-être lancé, mais sans formation, et j’en aurais beaucoup pâti, car j'y ai appris énormément de choses."
"Ça m’a aussi donné l’assurance de me lancer, car j'avais des bases sur lesquelles m'appuyer."
"Le CPF a vraiment joué un rôle important pour moi." Elle se forme aussi aux logiciels de mise en page pour réaliser sa communication, et enchaîne avec une certification d'officiant pour les cérémonies laïques, pour avoir une spécialisation. Le tout financé avec son CPF.
Aujourd'hui, même si elle n'arrive pas encore à en vivre et doit faire des petits boulots à côté, elle se sent beaucoup plus heureuse. "Surtout, le risque de bore-out ou de burn-out est écarté, car je sais pourquoi je travaille, je ne me sens plus bloquée dans ma case."
"J'étais un copier-coller de la boîte"
Exister pour elle-même, ne plus se coller une étiquette, Virginie Bekkali l'a appris très récemment. Cadre chez BNP Paribas, elle a vécu la vie d'entreprise à fond pendant 20 ans, sans trop se poser de questions.
"À cette époque, je bois, je mange, je vis BNP, je suis très corporate."
"Mon mari se moquait de moi parce que je disais 'BNP Paribas', même pas 'BNP'", se souvient-elle. "On s‘est mariés dans le château qui est le centre de formation de BNP, ils ont financé ma maison, mes amis y travaillent... J'étais un copier-coller de la boîte."
C'est un événement planétaire qui vient secouer ses certitudes: la crise du Covid. Le quotidien lui apparaît alors comme très "normé" et "optimisé", elle pointe "la pression pour atteindre les objectifs". "C'était une gestion des performances qui n'était plus alignée avec mes valeurs."
Elle décide alors de réaliser un bilan de compétence, financé par son CPF. "C'est comme sortir d’une enveloppe, d’un sac, il faut se réidentifier comme soi et plus comme salariée ou cadre."
Elle retrouve sa créativité, mais tâtonne encore. Elle suit une formation d'architecture d'intérieur, puis s'inscrit dans une école d'écriture, financée par son CPF. "Pour moi, le CPF a été un incitateur, un facilitateur de décision", explique-t-elle. La quadragénaire a pour projet d'écrire un livre. À l'aise financièrement, elle sait aussi sa chance de ne pas avoir à retrouver un travail immédiatement.
Une reconversion à zéro euro
Ce n'est pas le cas de tout le monde. Et clairement, sans le CPF, Florie Dessalle n'aurait pas pu financer sa reconversion. Chargée de projet dans le marketing digital, elle s'ennuie et ne trouve plus de sens à son travail.
Elle commence un bilan de compétences, payé par son CPF. "Grâce à cet argent disponible, je me suis moins posé de questions. Ça ne m’engageait pas trop financièrement et finalement, ça a été un vrai tremplin pour me former", raconte la jeune femme.
Elle s'engage ensuite dans une formation de traductrice, financée par un autre dispositif, et réalisable sur son temps de travail. "J’ai pu tout faire en parallèle de mon emploi", se réjouit la trentenaire. Si le parcours a été long, aujourd'hui, elle vient de créer sa micro-entreprise et mesure sa chance d'avoir réussi une reconversion qui ne lui a pas coûté un euro.
Source BFM Business - Marine Cardot