S'il existe des métiers plus à risque de burn-out, certains comportements que nous adoptons quotidiennement aggravent le risque d'épuisement. C’est le cas de cette habitude inconsciente, récemment pointée par les experts : lire ses mails en dehors de ses heures de travail.
Imaginez : il est 21 heures, vous dînez tranquillement avec vos amis et vous décidez de jeter un œil à vos mails. Ce geste inconscient vous fait découvrir un nouveau message de votre collègue dont l’objet est “urgent”. Que vous y répondiez ou non, le simple fait d’avoir lu ce mail ne serait pas sans risque pour votre santé mentale, à en croire les conclusions d’une récente étude américaine.
La théorie de la conservation des ressources
Ce comportement récurrent n’a pas échappé à Myoung-Gi Chon, professeur de communication à l’université d’Auburn, aux États-Unis. Pour comprendre pourquoi le travail s'incruste insidieusement dans la vie personnelle des employeurs et employés, Myoung-Gi Chon et son équipe ont mené l’enquête auprès de 315 salariés américains à temps plein dans différents secteurs.
La particularité de cette étude est qu’elle s’est appuyée sur la « théorie de la conservation des ressources », selon laquelle les personnes s'efforcent à se protéger contre l'altération et la perte pour établir de nouvelles ressources. Introduite par le psychologue américain Stevan E. Hobfoll en 1989, cette théorie met l’accent sur le stress qui, causé par la menace d'une perte de ressources (son emploi), la perte effective de ressources ou l'absence de gain de ressources, nous permet de faire face aux situations de la vie. En d’autres termes, travailler plus pour protéger son emploi.
Un comportement contre-productif
Et si le fait de travailler après une journée au bureau n’était pas une si bonne idée en réalité ? Dans un article publié dans The Conversation, Myoung-Gi Chon explique pourquoi communiquer en dehors des heures « normales » de travail épuise nos réserves mentales et émotionnelles. « En tant que professeur de communication, je voulais comprendre ce qui se passe lorsque les gens se sentent obligés d'envoyer des courriels professionnels après le dîner et avant le petit-déjeuner », souligne le chercheur. Et de conclure : « nous avons découvert un lien inquiétant entre la communication liée au travail en dehors des heures normales et l'épuisement professionnel accru des employés. »
Si l’on a tendance à croire que lire ses mails en dehors du bureau peut nous faire gagner du temps, c’est en réalité tout l’inverse ! Le constat de son étude est sans appel : le simple fait d’ouvrir ses mails en dehors des heures d'ouverture était lié à une moins bonne productivité des employés analysés. Pire encore, cette mauvaise habitude conduirait à un épuisement émotionnel, qui à son tour peut se transformer en un comportement de travail contre-productif.
Attention au « signal d’alarme crucial »
« L’intrusion du travail dans la vie familiale, aidée par les smartphones et autres technologies, peut apparaître comme un triomphe de l’efficacité. Mais cette connectivité constante a un coût pour les employés comme pour les employeurs, suggèrent les recherches », alerte Myoung-Gi Chon
Si les auteurs n’ont pas pu constater l’impact à long terme des frontières floues entre vie pro et vie perso, cette étude serait toutefois un « signal d’alarme crucial, soulignant la nécessité de limites claires qui empêchent le temps personnel des employés de devenir une simple extension de leur journée de travail », argue le chercheur. Ce comportement serait une tendance de plus en plus courante dans le monde du travail, devenant ainsi un problème majeur pour la santé mentale des salariés.
Source Psychologies Magazine