L’avenir des réseaux bancaires en France : entre transformation numérique, proximité humaine et enjeux pour l’emploi

Rédigé le 22/01/2025

Il y a quelques mois, je partageais avec vous une réflexion sur l’évolution des réseaux bancaires en France. Aujourd’hui, les transformations s’accélèrent. À la lumière des dernières déclarations de dirigeants, d’études sectorielles et d’analyses économiques, explorons à quoi ressembleront les agences bancaires de demain.

Un constat : la réduction progressive des agences physiques et ses conséquences

Depuis 2010, la France a vu la fermeture de plus de 3 700 agences bancaires, soit une baisse de 9% du réseau en une décennie  . Cette tendance, loin de s’inverser, s’accentue sous la pression de l’évolution des comportements des clients et des impératifs économiques.

Slawomir Krupa, Directeur Général de Société Générale, a récemment déclaré que « la rationalisation des agences n’est plus une option mais une nécessité »  .

Cependant, cette évolution soulève plusieurs questions :

Un accès inégal aux services : Bien que 78% des clients préfèrent gérer leurs opérations en ligne, les seniors, les populations fragiles et les habitants des zones rurales restent attachés aux agences physiques.

Un impact direct sur l’emploi : La fermeture des agences pourrait entraîner une réduction significative des effectifs en front office d’ici 2030, remettant en question le modèle actuel d’emploi dans le secteur bancaire.

Un nouveau maillage des agences : grandes villes et zones rurales

1. Les grandes villes : des hubs bancaires multifonctionnels et employeurs spécialisés

Dans les grandes agglomérations, les agences bancaires traditionnelles évolueront en hubs multifonctionnels, centrés sur l’expérience client et les services à forte valeur ajoutée. Ces hubs offriront :

Des services hautement spécialisés : Gestion de patrimoine, financement immobilier et conseil aux entreprises, nécessitant des conseillers formés aux outils digitaux avancés et aux nouvelles approches commerciales.

Une transition fluide entre digital et humain : Ces agences combineront outils numériques (bornes interactives, IA, réalité augmentée) et interactions humaines.

Un rôle d’incubateur d’emploi qualifié : Les hubs pourraient générer de nouveaux postes en conseil stratégique, analyse de données et gestion des outils digitaux. Cependant, ces emplois seront concentrés sur des profils qualifiés, creusant potentiellement les écarts entre salariés.

Un rapport de KPMG souligne que 67% des clients considèrent l’interaction humaine comme indispensable, un besoin qui pourrait préserver certains postes dans les grandes villes, tout en nécessitant une montée en compétences significative.

2. Les zones rurales : agences itinérantes et emplois redéfinis

En milieu rural, où les fermetures d’agences ont un impact disproportionné, plusieurs solutions émergent :

Les agences itinérantes : Des véhicules équipés de technologies bancaires pourraient parcourir les territoires pour maintenir une présence humaine. Ces agences mobiles nécessiteraient un personnel polyvalent, capable de répondre à des besoins variés, tout en maîtrisant les outils technologiques embarqués.

Les agences modulaires : Des containers ou unités temporaires pourraient être déployés dans les communes pour des périodes spécifiques, avec une rotation régulière des équipes.

La mutualisation des services : Des partenariats entre banques et collectivités locales pourraient préserver certains emplois, en intégrant les fonctions bancaires dans des espaces multiservices partagés (La Poste, maisons France Services).

Selon Capgemini, ces solutions hybrides pourraient maintenir l’emploi à un niveau acceptable dans les zones rurales, mais les postes seraient de plus en plus orientés vers des fonctions polyvalentes et mobiles, nécessitant de nouvelles compétences.

L’intelligence artificielle : une opportunité ou une menace pour l’emploi ?

L’IA joue un rôle central dans la transformation des métiers bancaires, notamment dans les back offices.

Bruno Delas, Group CIO de Société Générale, a récemment déclaré que « l’IA est une opportunité pour réinventer nos processus et libérer du temps pour des activités à forte valeur ajoutée ».

Les impacts sur l’emploi sont ambivalents :

Automatisation des tâches répétitives : Des outils comme UiPath ou IBM Watson permettent de traiter des opérations de masse, réduisant la nécessité de postes en traitement opérationnel.

Création de nouveaux métiers : Des fonctions telles que « analyste en performance algorithmique », « gestionnaire de risques automatisés » ou « architecte de solutions IA » pourraient émerger, mais nécessiteront une reconversion massive des salariés actuels.

Inégalités croissantes : Selon McKinsey & Company, d’ici 2028, 40% des tâches opérationnelles seront automatisées, mais les postes créés exigeront un niveau de qualification élevé, augmentant le risque d’exclusion pour les salariés les moins formés.

Trois scénarios pour les réseaux bancaires de demain et leurs impacts sur l’emploi

1. Le modèle hybride

Les agences physiques seraient réduites à leur minimum, concentrées sur les hubs urbains et les besoins complexes. L’emploi évoluerait vers des postes de conseil hautement qualifiés, mais avec une diminution drastique des fonctions de guichet.

2. La banque itinérante et modulaire

En zones rurales, des unités mobiles et temporaires remplaceraient les agences fixes. Les postes seraient plus polyvalents et mobiles, nécessitant des compétences élargies, mais les effectifs pourraient se réduire.

3. Le tout-digital

Ce scénario favoriserait les plateformes en ligne, avec une suppression massive des emplois dans les agences physiques. Les nouveaux postes se concentreraient dans les centres technologiques et les services de support numérique, renforçant les disparités géographiques et sociales.

Conclusion : accompagner la transition pour préserver l’équilibre

L’avenir des réseaux bancaires en France s’écrit à la croisée des chemins entre innovation technologique, rationalisation économique et préservation de l’emploi. Les banques devront trouver un équilibre entre efficacité et responsabilité sociétale, tout en anticipant les besoins de formation pour accompagner leurs salariés dans cette transition.

Les syndicats, comme le SNB/CFE-CGC, auront un rôle essentiel pour défendre non seulement les intérêts des salariés, mais aussi l’idée d’une banque accessible à tous. Alors que les mutations s’accélèrent, il est impératif de placer l’humain au cœur des stratégies.

Source Franck Torres Président Union Régionale SNB/CFE-CGC des Pays de la Loire