Santé mentale au travail : pourquoi les chiffres ne s’améliorent-ils toujours pas en France ?

Rédigé le 31/01/2025

Dans son baromètre annuel, le cabinet Qualisocial révèle des chiffres alarmants en matière de santé mentale au travail en France : 25 % des salariés se sont, notamment, déclarés en état de mauvaise santé mentale cette année. Son dirigeant, Camy Puech, était pourtant persuadé que les chiffres seraient meilleurs en 2024. Mais alors, que s'est-il passé ? Il nous explique.

Les entreprises avaient bon espoir que la santé mentale des collaborateurs s’améliore cette année en France. Or, il n’en est rien ! « Nous étions persuadés que les chiffres seraient meilleurs en 2024. S’il est logique que la santé mentale se dégrade en période de changements (guerres, inflation, transition écologique, ndlr), nous nous attendions à ce que la résilience des salariés, après plusieurs années de crises successives, prenne enfin le pas sur l’incertitude », regrette Camy Puech, président-fondateur de Qualisocial.

Manque de confiance dans l’avenir

Son cabinet a, en effet, dévoilé ce jeudi 23 janvier, dans son baromètre annuel*, des résultats alarmants : 25 % des salariés français se sont déclarés en mauvais état de santé mentale en 2024. Un chiffre bien au-dessus de ceux enregistrés avant l’épidémie de Covid-19. Ce pourcentage grimpe à 30 % pour les salariés exerçant dans les secteurs les plus touchés par la crise économique, comme le secteur médico-social, l’hébergement, la restauration ainsi que l’administration française. Certaines typologies de profils sont également plus concernées que d’autres : les jeunes femmes (35 %), les salariés à temps partiel (38 %), les foyers monoparentaux (35 %), ainsi que les personnes atteintes de maladies chroniques (32 %). « La somme des gros problèmes n’est finalement pas derrière nous », insiste le dirigeant de Qualisocial.

En 2024, poursuit-il, « l’instabilité politique a entraîné une crise sociale qui est venue s’ajouter aux crises précédentes. L’absence de gouvernement, et le contexte budgétaire compliqué, s’est traduit par une absence de solutions pour les entreprises. Il ne faut pas oublier que le gouvernement dirige 60 % de l’économie française. Lorsque l’Etat dysfonctionne, c’est toute la chaîne économique qui dysfonctionne« .

Conséquences de cette crise supplémentaire ? « Les investisseurs étrangers n’investissent plus en France, mais chez nos voisins européens. Les projets sont retardés. Les organisations françaises investissent moins, ne recrutent plus. Les tensions se renforcent en interne avec des salariés qui voient leur carnet de commandes se réduire à peau de chagrin », détaille le dirigeant. Ce contexte de frilosité économique engendre des plans sociaux, des restructurations, un manque de moyens financiers, une baisse des effectifs, une intensification du travail, une exigence émotionnelle plus forte, des conflits de valeurs entre salariés, des rapports humains plus violents, etc. « En règle générale, nous sommes un pays parmi les plus puissants au monde, car nous sommes stables. Mais, en ce moment, nous avons trop d’incertitudes vis-à-vis de l’avenir. »

Prévention insuffisante

L’étude démontre, par ailleurs, « la difficulté des entreprises à prévenir les risques psychosociaux et à améliorer les conditions de travail », décrypte le patron. En effet, seulement 23 % de salariés bénéficient d’un plan de prévention complet en santé mentale, tandis que plus d’un tiers (39 %) n’ont accès à aucune action préventive. Un phénomène surprenant lorsque l’on sait que les organisations adoptant des approches préventives enregistrent des résultats significatifs : + 26% de salariés en bonne santé mentale, +23 % de dévouement au travail, +20 % d’engagement au travail, +55 % d’énergie. Les salariés en bonne santé mentale ont aussi 2,4 fois plus de capacités de concentration par rapport aux autres. « Les organisations et leurs dirigeants ont besoin de collaborateurs en pleine possession de leurs moyens pour faire face aux défis. La santé mentale ne peut plus être reléguée au second plan », martèle-t-il.

Actions ciblées

Selon Camy Puech, « les entreprises doivent regagner confiance et investir dans la santé mentale de leurs équipes. Elles ont la capacité de surmonter les défis organisationnels que posent ces différentes crises. » Il recommande des actions ciblées pour faire remonter dans le bon sens la courbe de la santé mentale, et augmenter ainsi l’engagement, la productivité. Parmi les leviers à actionner : favoriser le sentiment de sécurité physique et mentale au travail, améliorer la qualité des relations et l’ambiance de travail, bien répartir l’organisation du travail et des tâches. Cela passe par l’amélioration des pratiques managériales : « Les managers sont une partie de la solution en matière de santé mentale au travail. Leur rôle consiste à identifier les signes précurseurs de mal-être, et à intervenir rapidement pour rectifier le tir ».

À noter que plus les organisations enregistrent de mauvais chiffres en matière de santé mentale, plus ce sujet devient une priorité pour les salariés : 91 % le conçoivent comme essentiel. Soit +3 points par rapport à 2024. « Tous les acteurs internationaux et les entreprises veulent aller vers un apaisement généralisé. En plus, la santé mentale a été décrétée Grande cause nationale en 2025. Je fais à nouveau le pari qu’en 2026, les chiffres seront meilleurs ! », veut croire le président-fondateur de Qualisocial.

*L’enquête a été réalisée via Internet auprès de 3 000 salariés représentatifs de la société française (secteurs public et privé, âgés de 18 ans et plus, en France), entre le 3 et le 9 décembre 2024. Le baromètre « Santé mentale & QVCT 2025 » a été publié par Qualisocial, en collaboration avec Ipsos, ce jeudi 23 janvier 2025.

Source Courrier Cadres - Léa Lucas