« Les candidats sont dans un trou noir » : comment les recruteurs sont incités à ne plus vous ignorer.

Rédigé le 18/02/2025

Linkedin, Indeed, Hellowork... Les plateformes qui centralisent les offres d'emploi développent des techniques pour encourager les employeurs à répondre aux candidatures, même en cas de refus. Vers la fin du "ghosting" ?

Des dizaines de candidatures envoyées et aucune réponse. Le quotidien des demandeurs d'emploi peut être décourageant. "Quand ils postulent, les candidats sont dans un trou noir, ils ne connaissaient pas les prochaines étapes du recrutement, ne savent pas si leur profil a été retenu", explique à BFM Business Éric Gras, expert du marché de l'emploi chez Indeed France.

"Plus de 80% des candidats ne reçoivent jamais de réponses après une candidature, c'est catastrophique", pointe-t-il.

Et même lorsqu'un échange est entamé, ils peuvent arrêter de répondre. Selon un sondage*, 57% des recruteurs déclarent avoir déjà "ghosté" au moins une fois un candidat alors qu’ils avaient commencé à échanger avec lui dans le cadre d’un recrutement. Mais l'inverse est aussi vrai et 57% des candidats ont déjà coupé la communication avec un recruteur.

Une expérimentation aux États-Unis

Alors pour inciter les entreprises à ne pas laisser les candidats dans le flou, les plateformes d'offres d'emploi développent des solutions. Aux États-Unis, Linkedin expérimente actuellement une nouvelle fonctionnalité et affiche des "informations sur la réactivité" des entreprises. Ces indications permettent aux candidats de savoir quelles annonces sont activement examinées par les employeurs. Une nouveauté qui pourrait bientôt être généralisée.

"On devrait pouvoir espérer une arrivée de ces fonctionnalités dans les prochains mois en France", annonce Linkedin France à BFM Business.

D'autres plateformes d'offres d'emploi se sont déjà penchées sur le sujet. En mai 2023, Hellowork a lancé le label "Super Recruteur". Il permet de distinguer les employeurs qui proposent "des processus de recrutement clairs et transparents".

Un label "gagnant-gagnant"

"Il constitue un levier particulièrement intéressant aussi pour les petites structures (TPE), leur permettant de se démarquer auprès des candidats malgré des ressources plus limitées que les grandes entreprises", explique Hellowork.

"C'est une relation gagnant-gagnant, les candidats ont plus de transparence et les recruteurs ont +10% de candidatures en moyenne", assure la plateforme.

Pour obtenir ce label, les entreprises doivent impérativement indiquer le salaire sur plus de 70% de leurs offres d’emploi. Elles doivent aussi répondre à au moins deux des cinq critères suivants: communiquer des informations clés sur l’entreprise (chiffre d’affaires, effectif, parité, etc.), décrire clairement le processus de recrutement, assurer un suivi transparent des candidatures, s’engager à une réponse rapide aux candidats (moins de 15 jours) et détailler leur politique de télétravail.

Hellowork assure également le suivi de certaines candidatures et prévoit, courant 2025, de prévenir elle-même les candidats qui n'ont pas été retenus.

Des badges "employeurs réactifs"

Encore plus avant-gardiste, le site Indeed a développé les badges "employeurs réactifs" dès 2018. Une icône permet de distinguer les entreprises qui répondent systématiquement à plus de la moitié des messages. Les badges permettent aussi à ces employeurs de gagner en visibilité sur la plateforme.

Mais ils ne sont pas disponibles pour les offres qui renvoient directement sur les sites carrières des grandes entreprises. "Les TPE-PME n'ont généralement pas de site dédié et déposent les annonces directement sur Indeed, on peut alors analyser les données comme le temps de réponse", détaille Éric Gras.

"On fait aussi beaucoup de pédagogie auprès des entreprises, en leur expliquant qu'une offre qui ne mentionne pas le salaire aura 80% de clics en moins."

La plateforme propose également un onglet "avis" (près de 13 millions de notes et avis recensés en 2024 en France).

Jobmatching

Enfin, Indeed mise désormais sur l'intelligence artificielle pour faire du "matching" et proposer des jobs adéquats aux demandeurs d'emploi. Pour cela, l'IA se base sur le profil des candidats mais aussi sur leurs clics, leurs recherches...

"Ça nous permet par exemple d'estimer si la recherche est urgente ou pas, si un candidat préfère les PME ou les grands groupes...", détaille-t-il.

Un des objectifs est de réduire le flux de candidatures. "C'est un cercle vicieux car moins les candidats ont de réponses, plus ils envoient de CV pour maximiser leurs chances", explique Éric Gras.

"On veut faire en sorte que pour une même offre, il y ait moins de candidatures, mais de meilleure qualité", espère-t-il. "Ainsi les employeurs pourront prendre le temps de rédiger une réponse personnalisée à ceux qui n'auront pas été retenus."

* Étude menée par OpinionWay pour Indeed en juin 2023 auprès de:

- 637 salariés “chercheurs d’emploi” (en emploi et qui recherchent activement ou passivement un nouvel emploi) issus d’un échantillon représentatif de la population des salariés des entreprises privées de 20 salariés et plus en France.

- 547 salariés “recruteurs” (salariés qui encadrent au moins une personne et participent au processus de recrutement dans leur entreprise) issu d’un échantillon représentatif de la population des salariés des entreprises privées de 20 salariés et plus en France.

Les deux échantillons ont été constitués selon la méthode des quotas au regard des critères de sexe, d’âge, de catégorie socioprofessionnelle, de secteur d’activité, de taille d’entreprise et de région d’implantation.

Source BFM Business - Marine Cardot