Sommes-nous collectivement en train d'échouer à comprendre les aspirations de la Génération Z, qui arrive massivement sur le marché du travail avec des attentes sensiblement différentes de celles de ses aînés ?
75 % des employés de première ligne issus de la « Génération Z » se sentent épuisés. Ce chiffre, issu de l’étude UKG « Perspectives from the Frontline Workforce » (2025), met en lumière un malaise profond et questionne notre mode de fonctionnement.
Pour les jeunes nés entre 1997 et 2007 qui occupent des postes en contact direct avec les clients ou au cœur des opérations (tels que les caissiers ou les agents de production), la confrontation avec la réalité du terrain (horaires contraignants, pression du résultat) peut générer un désenchantement brutal et des situations de burn-out.
Ce potentiel désengagement et ces cas d’épuisement professionnel soulignent l’urgence pour les entreprises de s’adapter aux nouvelles réalités du monde du travail.
Un besoin de sécurité psychologique et de flexibilité
Un paradoxe saisissant ressort de l’étude d’UKG : malgré le burn-out de nombreux jeunes en première ligne, 81 % d’entre eux se disent psychologiquement en sécurité au travail. Ils osent s’exprimer, proposer des idées, assumer leurs erreurs.
Mais cette liberté d’expression ne masque-t-elle pas un malentendu plus profond ? À quoi bon s’exprimer si personne n’écoute, si les propositions se perdent dans le vide ? Les résultats de l’étude mettent en évidence une contradiction entre un sentiment de sécurité et un besoin criant de changement.
Le fossé générationnel et les nouvelles attentes
Le fossé générationnel se creuse, avec parfois jusqu’à quatre générations coexistant au sein d’une même entreprise. Chacune porte un regard différent sur le travail, ce qui peut engendrer des tensions et des incompréhensions, en particulier sur le sujet de l’organisation du temps de travail.
On observe une tendance plus marquée chez les générations précédentes à privilégier des horaires fixes et structurés, tandis que les jeunes générations expriment une forte demande de flexibilité et d’aménagement du temps de travail. Cette divergence souligne qu’il est important que les entreprises trouvent un terrain d’entente. Elle s’explique en partie par une évolution sociétale profonde.
La Génération Z, hyperconnectée dès le plus jeune âge, aspire à un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, et valorise la flexibilité et l’autonomie. Pour les managers, souvent issus de générations précédentes, ce besoin de flexibilité peut être perçu comme un manque de résilience, un refus de l’effort. Or, cette attitude, loin d’être une solution, aggrave le malaise et le sentiment d’incompréhension, comme le démontrent les conclusions de l’étude.
L’impact de la rigidité sur l’épuisement et la fidélisation
L’enquête révèle d’ailleurs un point crucial : la rigidité observée explique en partie pourquoi les jeunes de cette génération se sentent plus épuisés que leurs homologues (83 % contre 75 % pour l’ensemble des collaborateurs de première ligne), et plus d’un tiers d’entre eux (36 %) envisageraient de quitter leur poste en raison des effets négatifs sur leur bien-être physique et mental.
En outre, plus de la moitié (58 %) des jeunes en première ligne privilégieraient des vacances supplémentaires à une augmentation de salaire, et un tiers sacrifierait une promotion pour une semaine de congé en plus. Le travail n’est plus le centre de gravité unique de leur vie, mais une composante parmi d’autres, au même titre que les loisirs, les relations sociales et le développement personnel.
Attention, contrairement à une idée reçue tenace, cela ne signifie absolument pas un désintérêt pour le travail. Bien au contraire : interrogés directement dans le cadre de cette recherche, les jeunes de la Génération Z affirment accorder à leur emploi une importance au moins égale, voire supérieure, à celle que lui accordent leurs aînés. Ils recherchent simplement un meilleur équilibre, un travail qui ait du sens et qui respecte leur besoin d’épanouissement global. Ils veulent contribuer, apprendre et progresser, mais dans un cadre qui respecte leur besoin d’équilibre.
Transformer le malentendu en opportunité
Alors, comment transformer ce malentendu en opportunité ? Une transformation des mentalités est nécessaire. Cette transformation passe par plusieurs axes tels que la formation des managers au management intergénérationnel, la promotion du dialogue et de l’écoute active, l’adaptation des modes d’évaluation et de reconnaissance et l’évolution vers une culture d’entreprise axée sur la confiance et l’autonomie.
La technologie peut également être un levier pour répondre à ce besoin de flexibilité, avec notamment des applications de gestion des plannings plus souples et des plateformes de communication interne plus fluides. Écouter, comprendre et adapter l’organisation du travail aux aspirations de la Génération Z est le véritable défi pour les entreprises qui souhaitent attirer et fidéliser les talents de demain. Reconnaître leurs compétences, valoriser leur contribution et leur offrir des perspectives d’évolution alignées avec leurs valeurs – voilà les clés pour gagner le « grand jeu » du travail avec la Génération Z, un jeu qui se joue désormais sur le terrain du bien-être et du respect mutuel, autant que sur celui de la performance.
Source Courrier Cadres - Jennifer Lancirica