Une montée en flèche de l'individualisme au travail a été révélé, ce mardi, dans le 14ème Baromètre de l'état psychologique des Français, réalisé par le Cabinet Empreinte Humaine. Ce phénomène contribue au mal-être d'une majorité de salariés (53 %). Décryptage de Christophe Nguyen, son fondateur et psychologue du travail.
6 salariés français sur 10 constatent une montée en flèche de l’individualisme au travail, tandis que 7 sur 10 estiment que cela nuit à l’entreprise, d’après le Baromètre* dévoilé, mardi 1er avril, par le cabinet Empreinte Humaine. Ce phénomène participe à la détresse psychologique de 53 % d’entre eux. « Cette tendance à l’individualisme s’exacerbe depuis la crise sanitaire et ressort de nos enquêtes pour la première fois, constate Christophe Nguyen, son cofondateur. Les exigences professionnelles des entreprises envers les salariés sont plus importantes, en raison du contexte économique qui entraîne une maîtrise des coûts. »
Ces attentes élevées se traduisent par l’instauration d’un « environnement de travail qui favorise les objectifs individuels au détriment de la coopération ». Selon lui, ce sont les limites du management par objectifs : « Les salariés se concentrent uniquement sur les tâches à réaliser, et les managers, eux, ne récompensent que les meilleurs éléments, autrement dit, les plus performants. Les objectifs de certains peuvent s’entrechoquer, ce qui nourrit un climat conflictuel, un système de gagnants et de perdants. Les managers n’encouragent pas suffisamment ceux qui contribuent à une bonne ambiance collective. » Dans le sondage, 44 % des salariés regrettent, en effet, un manque de reconnaissance, 39 % ressentent une pression importante sur les performances individuelles, et 30 % une compétition accrue entre collègues.
Ce climat individualiste, caractérisé par des récompenses financières individuelles et / ou des entretiens individuels, conduit certains collaborateurs à la sur-responsabilisation : « Ils ont plus d’autonomie et de flexibilité au travail, mais si leurs objectifs restent élevés, et leur priorités mal gérées, ils risquent de ressentir de fortes tensions psychologiques internes », prévient l’expert en psychologie. Conséquences ? Beaucoup se sentent délaissés, stressés, en détresse psychologique. « Les salariés manquent au quotidien de soutien de la part de leurs collègues, de reconnaissance de la part de leur manager. La déshumanisation augmente au travail, et affecte la santé mentale de tous les membres des organisations », déplore Christophe Nguyen.
Favoriser la coopération
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le télétravail n’est pas l’un des facteurs majeurs de cette montée de l’individualisme. 13 % seulement pensent qu’il y contribue. « Il est vrai que le télétravail ne permet pas de créer autant de liens humains qu’avant. Cependant, ce n’est qu’un alibi. L’individualisme est un phénomène plus profond. C’est le reflet d’un système libéral généralisé où l’intérêt de l’individu prime sur l’intérêt du collectif. Un phénomène très répandu aux Etats-Unis », pense Christophe Nguyen.
C’est pourquoi, poursuit le dirigeant d’Empreinte Humaine, l’entreprise a tout intérêt d’agir sur l’intégralité de l’environnement de travail, et pas uniquement sur des situations individuelles. « Les managers doivent être les garants d’une reconnaissance pour tous », affirme Christophe Nguyen. Ils peuvent valoriser les qualités de chacun, les faire monter en compétences, s’assurer que chacun trouve sa place au sein d’un groupe. « Le manager doit rester vigilant en ce qui concerne la diversité, surtout en ce moment ! C’est ce qui donnera envie aux salariés de contribuer au collectif, à ce qu’il ait du sens », estime le patron.
Parmi les autres leviers à actionner, le manager peut également favoriser les moments de partage et les échanges entre collaborateurs « en organisant, par exemple, les temps de travail au bureau ou en instaurant des comportements éthiques », souligne le psychologue du travail. Le manager a « souvent un emploi du temps chargé, mais doit rester à l’écoute des attentes, des besoins et des motivations de ses équipes pour mettre en place les bonnes actions. La coopération doit devenir un critère à part entière d’évaluation afin d’instaurer un climat sain, positif et durable à l’échelle de l’entreprise », termine Christophe Nguyen.
La 14ème édition du Baromètre de l’état psychologique des Français, publié mardi 1er avril 2025, a été réalisé par Empreinte Humaine et OpinionWay, auprès de 2 030 salariés du 27 février au 18 mars.
Source Courrier Cadres