Les baromètres annuels autour de l'absentéisme d'OpinionWay pour Ayming et de Malakoff Humanis, ont été dévoilés en juin 2025. Ils révèlent, notamment, des arrêts de travail plus nombreux chez les jeunes actifs. Alors, comment expliquer ce phénomène ? Éclairage de Lara Bertola, professeure en RH et en management, spécialisée sur les question de santé au travail, à Rennes School of Business.
Comme chaque année, le *Baromètre de l’Absentéisme et de l’Engagement, réalisé par OpinionWay pour Ayming, a été publié en 2025. Et une fois encore : l’absentéisme en France ne faiblit pas ! 49 % des professionnels RH considèrent, en effet, le taux d’absentéisme « élevé », voire « très élevé ». Près de la moitié des acteurs RH (48 %) indiquent qu’ils aimeraient comprendre les causes profondes de cet absentéisme massif. Sans pour autant y parvenir. Si ce phénomène touche toutes les classes d’âge, l’autre **Baromètre, réalisé par Malakoff Humanis, révèle qu’il concerne particulièrement les actifs de moins de 30 ans.
Près de la moitié d’entre eux (49 %) se sont fait prescrire au moins un arrêt maladie l’an passé. Soit 7 points au-dessus de la moyenne du reste des salariés et 12 points au-dessus de celle des 50 ans et plus. Ces jeunes actifs sont arrêtés moins longtemps (un à trois jours), mais plus souvent. En 2024, 22 % des répondants ont eu au moins un arrêt lié à des troubles psychologiques. Soit 6 points de plus qu’en 2019.
Un rythme de travail (trop) rapide
Dans un monde du travail en profonde mutation, « leur entrée sur le marché est plus complexe », affirme Lara Bertola, professeure en RH et en management, spécialisée sur les questions de santé au travail, à Rennes School of Business. Les raisons sont multifactorielles. Là où leurs aînés « avaient plusieurs années pour acquérir de solides compétences dans leur domaine en étant accompagnés, les jeunes évoluent dans un monde d’immédiateté permanente. Ils doivent savoir faire tout, tout de suite, parfois sans réel accompagnement », poursuit la professeure. Résultat ? Ils n’ont pas le temps de développer certaines compétences humaines indispensables, comme « leur capacité de résilience face à l’adversité. Les jeunes collaborateurs ont besoin de se construire d’abord en tant que personne, de développer leur confiance en eux et leur maturité. Bâtir une carrière demande du temps. Or, le rythme de travail est trop rapide dès le départ. » L’usage des outils numériques (et la difficulté de déconnecter) y contribue largement. En ce sens, 66 % des jeunes ont déclaré avoir un « emploi stressant », contre seulement 54 % de l’ensemble des actifs.
Parmi les autres raisons simultanées : de grandes attentes… rapidement déçues. « Le monde du travail ne répond pas toujours à ce qu’ils imaginaient. Le management à l’ancienne, par exemple, les places dans des situations paradoxales : ils doivent être autonomes dans leurs tâches, mais doivent rendre des comptes ou sont sanctionnés en cas d’erreur », développe Lara Bertola. Dans le même temps, « ils ne ressentent parfois pas suffisamment de reconnaissance à l’égard des efforts fournis ou se retrouvent isolés en raison de la généralisation du télétravail. Cependant, ils ont besoin de liens sociaux à cet âge. Ils sont aussi plus inquiets par rapport à l’avenir. C’est un ensemble de facteurs individuels et sociétaux que leurs aînés n’ont pas connu en début de carrière. » Les conséquences sur leur santé physique et mentale sont nombreuses et diverses : troubles du sommeil, de l’alimentation, anxiété chronique, voire épuisement professionnel.
Cependant, pour la professeure en RH et en management, ce constat n’est pas une fatalité. Si les entreprises n’avaient pas anticipé l’entrée sur le marché du travail des jeunes actifs dans un contexte inédit, elles peuvent « coconstruire avec eux un nouveau mode de travail satisfaisant pour tout le monde », affirme-t-elle. Concrètement, les entreprises peuvent travailler sur leur processus d’intégration afin de rompre l’isolement et créer du lien avec les équipes en place. Ensuite, en collaboration avec les RH, elles peuvent réfléchir à leur trajectoire professionnelle au sein de l’entreprise dans le but de les motiver durablement. Main dans la main avec le manager, ils peuvent voir leurs missions réajustées lorsque les objectifs et la pression sont trop élevés. Cela leur permettra aussi de définir des tâches qui sont en phase avec leurs aspirations. Enfin, des points réguliers où ils se sentent écoutés et accompagnés en début de carrière professionnelle peuvent être instaurés avec les RH et/ou le manager.
*Le Baromètre d’OpinionWay pour Ayming, diffusé en juin 2025, s’appuie sur une enquête réalisée auprès de 1000 professionnels RH en CDI du secteur privé.
**Le Baromètre de Malakoff Humanis a été publié en juin 2025.
Source Courrier Cadres par Par Léa Lucas